Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Pierre-Alain Muet

Réunion du 7 février 2008 à 9h30
Ratification du traité de lisbonne — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre-Alain Muet :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, pendant près d'un demi-siècle, l'Europe s'est construite par des traités à vocation économique sans jamais aborder la vraie question : pourquoi sommes-nous ensemble et que voulons-nous faire ensemble ? Je suis de ceux qui pensent que cette question constitutionnelle reste fondamentale et qu'elle méritait, une fois encore, un grand débat démocratique.

Le « mini-traité » n'a ni l'ambition ni l'ampleur du traité constitutionnel, que j'ai pour ma part soutenu, même si je n'approuvais ni la présence d'une troisième partie concernant les politiques, ni la référence à l'objectif d'une « concurrence libre et non faussée », lesquelles n'avaient pas leur place dans un texte constitutionnel. S'il est moins ambitieux, le traité de Lisbonne a au moins l'avantage d'exclure ces deux aspects, qui avaient motivé le non pro-européen de gauche en 2005. Mais il a l'inconvénient de ne pas affirmer clairement sa vocation constitutionnelle, comme si celle-ci était honteuse et devait être cachée, pour éviter la voie référendaire.

Je voterai oui sans hésiter au traité de Lisbonne, comme la majorité du parti socialiste, lequel a toujours été, et reste profondément européen. Il le fut avec Jaurès, contre les nationalismes et la guerre ; il le fut avec Blum, qui milita jusqu'à la fin de sa vie pour jeter les bases d'une Europe politique ; il le fut avec Jacques Delors, qui relança une Europe en panne au milieu des années 80 ; il le fut avec François Mitterrand, qui sut refonder le couple franco-allemand pour faire avancer l'Europe, et osa prendre des risques politiques pour que la construction européenne s'ancre de façon irréversible dans l'opinion. Car c'est en permettant aux citoyens de débattre et de se prononcer sur les grandes étapes de la construction européenne, et non en leur dissimulant celles-ci, que nous rendrons l'Europe populaire.

Par rapport au traité de Nice, le traité de Lisbonne comporte des avancées – on les a soulignées – qui vont dans le sens de l'Europe voulue par la gauche. Il inclut un protocole sur les services publics, et reprend l'essentiel des dispositions institutionnelles qui figuraient dans les deux premières parties du traité constitutionnel : un président du Conseil européen stable, un rôle des parlements nationaux affirmé, l'introduction d'un droit d'initiative citoyenne, et la possibilité de mettre en oeuvre des coopérations renforcées.

Ce traité a un mérite limité, mais incontestable. Il sort l'Europe de l'ornière et lui permet de mieux décider à vingt-sept. Et, d'une certaine façon, il marque la réunification définitive d'un continent affranchi de l'héritage de Yalta. Nous n'aurons plus, désormais, l'excuse de la lourdeur des processus de décision pour ne pas avancer dans la coordination économique ou la mise en oeuvre d'un développement durable. Nous n'aurons plus la menace du veto pour justifier l'inaction en matière de politique industrielle ou de défense.

Toutefois, si nous voulons que l'Europe retrouve son sens pour nos concitoyens, il faut aussi qu'elle apporte des réponses concrètes aux inquiétudes nées de la mondialisation. C'est pourquoi nous souhaitons, nous, socialistes, que l'Europe sociale soit désormais au centre de la politique européenne.

Par ailleurs, ce traité comporte aussi des reculs. Ainsi, la charte des droits fondamentaux n'en est plus une partie intégrante, et l'on a abandonné, sous la pression britannique, les symboles de l'Europe. En politique, il y a certes les actes législatifs ou réglementaires, mais il y a aussi les symboles.

Qui ne se souvient de l'image forte de Mitterrand et Kohl main dans la main à Verdun le 22 septembre 1984 ? Plus que toutes les déclarations des sommets franco-allemands, cette image incarne cette formidable réconciliation des peuples européens que représente la construction européenne.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion