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Intervention de Daniel Paul

Réunion du 3 juin 2009 à 15h00
Politique énergétique — Interventions des porte-parole des groupes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Paul :

Heureusement que, comme pour les salariés qui vont au travail, le temps de déplacement vers la tribune n'est pas compris dans les cinq minutes. (Sourires.)

Monsieur le ministre, pour compléter les propos de M. Brottes, je dirai que c'est Poweo qui avait déposé le dossier du terminal méthanier d'Antifer. Aujourd'hui qu'il est sur les rails, le président de Poweo annonce sa décision de vendre ses parts à un électricien autrichien public, un des leaders européens de l'électricité hydraulique. Poweo se retire donc. Il y a là un certain nombre de phénomènes, que je n'ai pas pu développer en deux minutes, laissant penser que le dossier est peu clair, c'est le moins que l'on puisse dire. Il mériterait autre chose qu'un PIG, comme vous l'appelez. Il nécessiterait d'être remis sur la table, pour que tous ses aspects puissent être examinés. Mais nous aurons l'occasion d'en reparler.

Compte tenu du temps qui m'est imparti, je n'aborderai qu'une question dans ce commentaire sur la politique énergétique du Gouvernement.

Toutes les analyses et tous les rapports qui se succèdent sur la question de la création d'un marché de l'électricité, et donc sur la concurrence entre les différents opérateurs, se heurtent à la même difficulté : dans notre pays, les prix sont trop bas pour que les nouveaux acteurs puissent entrer sur le marché.

Les prix sont bas car l'électricité est majoritairement d'origine nucléaire et hydraulique. Ces choix, opérés depuis plus d'un demi-siècle, ont prouvé leur pertinence et la France est le pays européen où le kilowattheure est le moins cher pour l'usager domestique et industriel.

Et cela s'est fait sans préjudice pour la sécurité, pour la qualification des salariés, pour la politique sociale dans le secteur.

Pendant un demi-siècle, ces choix furent portés par des entreprises publiques. À présent, l'heure est à la libéralisation ; il faut, à toute force, casser les monopoles publics pour les remplacer par des grands groupes privés et instaurer la concurrence.

C'est ce qui s'est fait avec l'ouverture du capital d'EDF, la privatisation de GDF dans le cadre de la fusion avec Suez, et l'organisation de la concurrence entre ces deux groupes. La même logique menace Areva. Et votre absence totale de réponse à mon ami Jacques Desallangre, monsieur le ministre, ne peut qu'inquiéter.

Reste le problème – car c'en est un pour vous – que constituent les tarifs de l'électricité dans notre pays. Difficile de faire mieux en l'état actuel des choses ! Mais, quand on est libéral, l'objectif n'est pas que les prix soient bas et permettent malgré tout d'assurer les investissements, la sécurité et la sûreté. L'objectif, c'est que cela rapporte ! Or, le prix du kilowattheure en France, avec des tarifs régulés, est un obstacle à la concurrence : il faut donc faire sauter les tarifs régulés.

EDF est convertie : l'entreprise publique, dont le capital est ouvert, milite pour en finir avec les tarifs régulés, comme le veut la Commission européenne et comme l'attendent, en piaffant d'impatience, les autres opérateurs.

Ainsi, la logique libérale consiste à assurer l'augmentation des prix de l'électricité afin de permettre l'entrée de nouveaux opérateurs, en faisant miroiter une très hypothétique baisse liée à la concurrence.

Alors, comme il est difficile d'expliquer à nos concitoyens que les tarifs vont augmenter pour que la concurrence se mette en place, la nouvelle proposition serait que les nouveaux « entrants » puissent acheter du kilowattheure nucléaire à EDF et revendre cette électricité en concurrençant le producteur. Avez-vous imaginé ce que donnerait ce système si on l'étendait à d'autres activités commerciales et si, par exemple, les commerçants de quartier pouvaient avoir accès aux prix des centrales d'achat des grands groupes ?

Derrière tout cela, je le répète, l'objectif est d'en finir avec les tarifs régulés, avec pour conséquence inévitable la hausse des tarifs pour tout le monde.

Évidemment, les producteurs historiques, dans leur nouvelle logique libérale, et les fournisseurs qui veulent entrer sur le marché en bénéficiant de la « rente » nucléaire s'accorderont sur un système qui leur permettra d'accroître leurs marges, mais ce sera au détriment des usagers et de notre économie.

Ainsi, les investissements conduits par une entreprise nationale, dans le cadre d'une politique énergétique ambitieuse et devant servir les intérêts du pays, seraient mis au service d'une tout autre politique : la rente nucléaire irait abonder les profits financiers. Ce n'est pas acceptable.

Notre position dans ce domaine est constante. Nous refusons de laisser les marchés prospérer sur la politique énergétique de notre pays. Nous avons proposé la création d'un pôle public de l'énergie, cette proposition étant d'ailleurs transposable à l'échelle européenne, dans le cadre d'une politique européenne de l'énergie.

Pour nous, les enjeux liés à l'électricité sont incompatibles avec la course à la rentabilité financière, qui est le moteur des opérateurs dans ce secteur. Cette remarque vaut aussi pour le devenir d'AREVA ou pour le gaz, dont on voit bien qu'il est au coeur des stratégies de grands groupes internationaux.

Au moment où les choses s'accélèrent autour de ces enjeux et alors que les orientations européennes pèsent lourdement, ce qui justifie une autre politique à l'échelle du continent, nous tenons à rappeler notre opposition totale à votre politique énergétique, comme à celle de l'Europe.

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