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Intervention de Joël Giraud

Réunion du 26 novembre 2008 à 15h00
Communication audiovisuelle et nouveau service public de la télévision nomination des présidents des sociétés de l'audiovisuel public — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoël Giraud :

Je ne demanderai aucune indulgence, monsieur le président : elles se paient trop cher.

Madame la ministre, permettez-moi d'exprimer l'inquiétude des territoires dont votre réforme de l'audiovisuel public met en péril la spécificité. En effet, si le projet de loi est adopté, les chaînes du service public et du réseau France Outre-mer n'auront plus de fondement législatif. Alors que l'actuel article 44 de la loi du 30 septembre 1986 décline toutes les sociétés de programmes de France Télévisions – France 2, France 3, France 5, RFO devenu France Ô –, leur identité et leur spécificité seront renvoyées au cahier des charges unique. L'identité des chaînes, qui deviennent des marques, comme les nouveaux objectifs de France Télévisions – nouveaux programmes, publicité, critères d'évaluation et engagements sur les missions de service public, relations avec les autres médias – seront déclinés par le biais d'un cahier des charges et chiffrés dans le contrat d'objectifs et de moyens en cours de préparation. S'agit-il de réaliser des économies plus importantes pour entrer dans l'enveloppe allouée ?

Toutes ces dispositions n'étant pas dans le projet de loi, on est dans la plus grande incertitude sur ce que négocie France Télévisions avec sa tutelle. Les priorités du cahier des charges seraient la culture et la création, mais encore faut-il que France Télévisions ait les moyens d'une politique ambitieuse !

Il convient de noter que, dans son avis sur le projet de loi, le CSA a souhaité que le cahier des charges unique pour l'ensemble des chaînes garantisse trois éléments.

Le premier est le respect de l'identité des chaînes : on connaît par exemple les tentations de la majorité de transformer France 3 en une chaîne de rediffusion d'émissions phares avec un volet régional ou en un réseau de chaînes régionales – treize au lieu de sept – avec un décrochage national. Quant à l'absence d'uniformisation des lignes éditoriales, il est à craindre que la pénurie de moyens financiers limite la diversification des programmes, la créativité, l'innovation ou la prise de risque.

Le deuxième est la diversité des producteurs en vue de maintenir une production variée et indépendante.

Le troisième est le pluralisme de l'information : le CSA n'est pas le seul à craindre que la synergie entre les rédactions n'aboutisse à une rédaction unique fournissant la même expression à plusieurs chaînes.

Le CSA craindrait-il que la fusion-absorption des sociétés de France Télévisions transforme 1'entreprise unique en une petite société de télévision publique vertueuse, satellite des groupes industriels diversifiés dans les médias ?

Quant aux spécificités que j'ai évoquées, les députés des territoires ruraux, comme ceux de la montagne ou du littoral, connaissent bien les risques que représente le fait de ne pas inscrire dans les textes le droit à la différence des territoires, fondement de la loi Montagne de 1985 ou de la loi de développement des territoires ruraux de 2005.

La France n'est pas un pays uniforme et l'on connaît déjà les conséquences des restrictions budgétaires sur les territoires : suppression du magazine « Montagne » de France 2 ou sauvetage d'extrême justesse, grâce à un lobbying intensif, des « Chroniques d'en Haut » de France 3, placées cependant sous le règne du sursis avant exécution jusqu'en juin 2009. Alors que les territoires ont déjà été les premières victimes des restrictions budgétaires, du fait que leurs spécificités n'intéressaient pas une pseudo-élite intellectuelle parisienne, ils seront demain les premières victimes de la disette budgétaire que vous organisez, avec la complicité de votre majorité, pour France Télévisions, entre, d'une part, la diminution des ressources allouées dans le cadre du prélèvement sur les recettes publicitaires et, d'autre part, un prélèvement sur le montant des abonnements et des fournitures de services payés aux opérateurs de télécoms et aux fournisseurs d'accès de services, dont la stabilité juridique n'est pas assurée. La commissaire européenne à l'information n'a-t-elle pas qualifié cette taxe de « contre-logique » ?

À moins que, comme le pratique sans vergogne le Gouvernement, vous ne contraigniez France Télévisions à chercher les 350 millions d'euros manquants dans les caisses des collectivités territoriales…

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