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Intervention de Gérard Charasse

Réunion du 26 novembre 2008 à 15h00
Communication audiovisuelle et nouveau service public de la télévision nomination des présidents des sociétés de l'audiovisuel public — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Charasse :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après les réunions de la commission spéciale sur l'audiovisuel auxquelles j'ai participé avec un véritable désir de saisir, pour aujourd'hui et pour demain, les enjeux d'une réforme de ce secteur sensible, je suis réservé quant au tempo choisi par le Gouvernement. J'ai la sensation d'un travail inachevé, d'une réflexion contrainte par une volonté politique qui ne dit pas son nom. Il n'y a pas urgence à légiférer sur cette question et je n'ai d'ailleurs pas le sentiment que nous soyons prêts à le faire.

La télévision est, depuis longtemps, un monde qui va vite, un monde qui ne tarde jamais à trouver les équilibres qu'il recherche. Dans ce domaine, l'action publique doit donc être mesurée. Or, après plusieurs heures de débat, je n'ai pas l'impression de voir un chemin se dégager. Deux questions essentielles ne sont pas tranchées : celle du service public que nous voulons, celle de la télévision que nous voulons.

J'ai défendu, notamment avec le regretté Michel Crépeau, la suppression de la publicité à la télévision publique. L'objectif était de délier le service public d'engagements commerciaux dont il sait qu'ils sapent son indépendance. Cela supposait que le pouvoir exécutif ne se comportât pas comme un publicitaire, qu'il donnât, certes, une direction, mais qu'il se tînt loin de l'opérationnel, bref, cela impliquait d'assurer son indépendance à l'égard des financiers et du pouvoir politique. Il n'en est rien aujourd'hui, puisque vous nous proposez au contraire de revenir à l'ORTF, avec des liens directs entre le pouvoir et les chaînes, leur patron, leur budget et leur organisation interne. Bref, nous ne sommes pas encore en route vers la modernité !

Deux solutions se présentent à nous : ou bien la majorité – du moins, une partie de la majorité – avoue son dessein de supprimer le service public de la télévision et l'assume, avoue son idée d'une « télé-produit » et l'assume ; ou bien nous confirmons la suppression de la publicité, mais l'accompagnons d'une réforme moderne qui installe le service public de la télévision là où il doit être, c'est-à-dire dans l'indépendance, la transmission de la culture, la production et tous ses supports, bref, nous faisons en sorte que ce service-là ne soit pas un miroir pauvre – un de plus – pour notre société, mais une fenêtre grande ouverte sur l'autre, sur ailleurs et sur demain.

La deuxième question non tranchée est celle de la télévision que nous voulons. Si personne ne songe à placer toute la production télévisuelle en coupe réglée, il est cependant permis d'imaginer de ne pas exonérer le secteur privé de toute responsabilité culturelle, sociale et territoriale.

La responsabilité culturelle à l'égard de la production est une conception pour laquelle la France s'est battue bec et ongles lors de l'élaboration de la directive communautaire « Télévision sans frontières », réussissant pour partie à convaincre ses voisins européens. Et nous y renoncerions du jour au lendemain, ce qui laisserait entendre que nous avons oublié, voire que nous voudrions faire oublier la dimension culturelle de cet outil ?

En matière de responsabilité sociale, l'État doit faire preuve de vigilance à l'égard de la concentration des entreprises de communication. Cela relève, ainsi que le disait un commissaire européen, de la sécurité démocratique. Face au risque de concentration, comme on l'a vu au moment de la libération des ondes par François Mitterrand, la multiplicité des sources est l'une des solutions. Or, ce texte ne traite pas des initiatives dans les régions, dont je dirai un mot pour conclure. Quelle cohérence y a-t-il dans un texte qui supprime la publicité sur le service public et veut le financer par une taxe sur le service privé – taxe qui ne suffira pas, comme nous l'avons démontré – et qui, au niveau régional, maintient la publicité dans le public sans supprimer la taxe pour le privé ?

Je n'ai pu exprimer en cinq minutes l'ensemble de mes doutes et de mes inquiétudes sur le texte, mais son report me paraîtrait la plus sage des solutions. Pour que les parlementaires radicaux de gauche le votent, il faudrait vraiment que les quinze séances à venir jusqu'au 4 décembre prochain soient exceptionnellement fructueuses.

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