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Intervention de Pierre Moscovici

Réunion du 4 février 2008 à 16h00
Projet de loi constitutionnelle modifiant le titre xv de la constitution — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Moscovici :

…et c'est cette ligne d'horizon qui conditionne notre position.

Ce qui implique forcément, pour expliquer les choix du groupe SRC aujourd'hui, de dire ce que nous pensons du traité de Lisbonne.

À nos yeux, ce traité constitue un progrès utile, quoique limité. Un progrès, parce qu'il contient les dispositions institutionnelles nécessaires pour faire repartir et fonctionner l'Europe élargie. Il dote – enfin – l'Union d'institutions rénovées, et apporte même quelques avancées démocratiques : un président du Conseil européen stable, un rôle des parlements nationaux affirmé, un président de la Commission reflétant la couleur politique majoritaire issue des élections européennes, un Haut représentant pour les affaires étrangères, une référence à la Charte des droits fondamentaux. Ce traité a donc un mérite incontestable : il sort l'Europe à vingt-sept de l'ornière ; il lui permet de mieux décider ; il constitue la boîte à outils, le règlement intérieur, qui permettra la relance, dans un second temps, de l'Europe. Mais, ce progrès est limité, parce que le traité de Lisbonne n'est rien de plus que cela. Il ne marque pas de progrès significatif de l'Europe économique et sociale ; il ne modifie pas le système de vote pour les questions fiscales et sociales ; il n'équilibre pas le pouvoir de la Banque centrale européenne ; il n'ouvre pas vraiment de nouveaux champs de compétences. Bref, il n'est pas le traité que nous aurions voulu, mais il ouvre une porte ; il dessine des possibilités et il ébauche des potentialités. Alors, par pragmatisme, et surtout parce que nous voulons que l'Europe avance, qu'elle retrouve son dynamisme, la majorité des membres de mon groupe le soutiendra.

De ce constat de départ, découle notre position que je veux expliciter. La majorité du groupe socialiste, radical et citoyen de l'Assemblée nationale s'abstiendra lors du vote du projet de loi constitutionnelle, et ce pour deux raisons.

Tout d'abord – et nous assumons notre position, monsieur Bocquet –, nous ne voulons pas faire obstacle à un traité que nous soutenons, tout en ayant conscience de ses insuffisances. Mais nous voulons aussi marquer fermement notre désaccord avec la procédure de ratification choisie par le Président de la République. Certes, le recours au référendum n'est pas une obligation : il ne s'agit plus tout à fait du même traité et notre Constitution fait de la représentation parlementaire une voie d'expression tout aussi légitime. Néanmoins, nous avons entendu un argument fort : les Français, qui ont été consultés par référendum en 2005, n'acceptent pas d'être dessaisis de l'exercice direct de la souveraineté populaire. C'est pourquoi la majorité des socialistes souhaite affirmer, par cette abstention, son regret que le Président de la République se soit dérobé à la voie référendaire, lui préférant la voie parlementaire. C'est pourquoi nous déposerons une motion référendaire lorsque le traité de Lisbonne sera soumis pour ratification aux députés. (Applaudissements sur quelques bancs. – Exclamations sur d'autres bancs.)

Notre démarche, mes chers collègues, est donc à la fois constructive et cohérente : nous ne faisons pas obstacle à la ratification, mais nous tenons à exprimer notre désaccord sur la voie choisie.

Mais venons-en aux prochains rendez-vous qui nous attendent. Le traité ouvre des potentialités, il ne les réalise pas. Il ouvre une porte, il ne trace pas le chemin. Il n'est pas en soi l'enfer libéral, il n'est pas non plus le paradis protecteur. Il ne condamne pas l'Europe, pas plus qu'il ne la sauve. Ce rôle revient aux autorités politiques des États membres qui devront se saisir des avancées du traité, je pense en particulier au protocole sur les services publics.

Ce sera la tâche de la présidence française de l'Union européenne, au deuxième semestre 2008, dont nous attendons, monsieur le Premier ministre, qu'elle mette l'accent sur les vrais besoins des Européens. Pour nous, il s'agit avant tout de faire avancer le modèle social européen. C'est sur ce résultat que nous la jugerons.

Cette semaine marquera la fin d'une longue querelle, d'une longue dispute institutionnelle qui a commencé il y a plus de dix ans. Je souhaite que demain s'ouvre un débat autrement essentiel : le débat sur l'Europe que nous voulons pour le XXIe siècle. Au-delà de notre abstention d'aujourd'hui, au-delà même de la ratification du traité de Lisbonne, je veux dire que tous les membres de mon groupe, sans exception, y prendront part en socialistes et en européens, en européens et en socialistes. (Applaudissements sur plusieurs bancs.)

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