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Intervention de Nicole Borvo Cohen-Seat

Réunion du 4 février 2008 à 16h00
Projet de loi constitutionnelle modifiant le titre xv de la constitution — Explications de vote

Nicole Borvo Cohen-Seat :

Monsieur le président du Congrès, monsieur le président du Sénat, monsieur le Premier ministre, madame la garde des sceaux, messieurs les ministres, mes chers collègues, le 29 mai 2005 le peuple français a refusé la ratification du traité constitutionnel européen par 54,67 % des voix.

Ce vote n'était pas un vote de circonstance ; il résultait d'un large débat national, sans doute sans précédent, sur l'Europe, sa construction, sa politique.

Contrariant le vote des parlementaires qui l'avaient approuvé à 93 %, le peuple français, parce qu'il espère en l'Europe, a voté contre le contenu du traité constitutionnel qui correspond à sa réalité vécue, celle de l'Europe de la flexibilité, du dumping social, de la détérioration des services publics, de la libre circulation des capitaux et des emplois, sans harmonisation sociale et fiscale.

Le vote des Français, suivi de celui des Néerlandais, a rendu caduc le traité constitutionnel, mais il n'a pas été suivi de la réorientation exigée et nécessaire.

Les dirigeants européens ont mis à profit ces deux années pour tenter de faire oublier leur échec et chercher le moyen de passer outre le choix d'une partie des peuples.

Le candidat Nicolas Sarkozy avait déjà annoncé ce tour de passe-passe lors de son principal discours sur l'Europe à Strasbourg, le 21 février 2007.

Après une longue diatribe de circonstance contre l'actuelle Europe, il concluait : « Je proposerai à nos partenaires de nous mettre d'accord sur un traité simplifié qui reprendra les dispositions du projet de traité constitutionnel nécessaires pour que l'Europe puisse se remettre en marche, et qui n'aient pas suscité de désaccord majeur durant la campagne référendaire. Ce traité simplifié de nature institutionnelle sera soumis par ratification au Parlement. »

Le traité de Lisbonne, par rapport au traité constitutionnel, c'est le contraire du Canada Dry : sa présentation est différente, mais le contenu est le même. Il aborde les questions institutionnelles mais aussi l'ensemble de la politique européenne, c'est-à-dire la politique économique et sociale, la politique de défense, la politique étrangère et la politique de sécurité.

Exemple emblématique de cette situation : la référence, à l'article 3 du traité constitutionnel, à la libre concurrence non faussée a disparu à la demande de M. Sarkozy. À l'article 4, c'est l'économie de marché où la concurrence est libre qui surgit. Le protocole n° 6 rappelle, lui, que le marché intérieur comprend « un système garantissant que la concurrence est non faussée. »

L'auteur du traité constitutionnel, M. Giscard d'Estaing, se réjouit de son retour et tous les observateurs, non tenus par un engagement ministériel ou électif à l'égard de M. Sarkozy, reconnaissent cette réalité. D'ailleurs, on dit aux Espagnols qui ont voté « oui » au référendum de 2005 qu'ils ne seront pas consultés cette fois-ci, car le traité est le même !

Le Conseil constitutionnel admet, de fait, dans sa décision du 20 décembre 2007, la similitude en déclarant que « le traité de Lisbonne ne transfère pas à l'Union, par rapport au traité constitutionnel, d'autres compétences intervenant dans des matières régaliennes nouvelles. Il ne retire par ailleurs aucune matière transférée par le traité constitutionnel. »

Mesdames et messieurs les parlementaires, il est temps de se poser cette question essentielle pour l'avenir de notre peuple, mais aussi des peuples européens dans leur ensemble. Nous savons bien qu'un certain modèle démocratique est en crise, sous la pression d'une mondialisation financière en pleine expansion anarchique. Les derniers soubresauts boursiers doivent servir d'avertissement. Le peuple doit s'exprimer et ses représentants doivent l'y aider et non l'en empêcher.

J'estime, donc, avec de nombreux parlementaires, qu'il faut dire non à la révision constitutionnelle aujourd'hui, exprimant ainsi que c'est au peuple de décider. (Applaudissements sur quelques bancs.) Les parlementaires ne sauraient désavouer le peuple. Le peuple a le droit de changer d'avis, mais ce n'est pas au Parlement de changer l'avis du peuple. (Même mouvement.) Ce serait d'ailleurs une première. En 1946 et 1969, lorsque des référendums ont été rejetés par le peuple, les gouvernements en ont immédiatement tenu compte. Ne pas le faire aujourd'hui serait un grave déni de démocratie. Les représentants du peuple ne s'honoreraient pas en le commettant.

C'est la raison pour laquelle le groupe communiste républicain du Sénat, unanimement, votera contre cette révision constitutionnelle et invite tous les parlementaires qui ne veulent pas renier la parole des citoyens à en faire de même. (Applaudissements sur plusieurs bancs.)

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