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Intervention de Daniel Paul

Réunion du 30 janvier 2008 à 15h00
Nationalité des équipages de navires — Exception d'irrecevabilité

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Paul :

Peut être aussi s'agit-il pour vous, au moment où vous vous apprêtez à dessaisir notre peuple de son droit au référendum sur le « mini-traité » et à quelques mois de la présidence française de l'Union européenne – qui sera confiée au Président de la République et au Gouvernement –, d'éviter que tout cela ne soit troublé par une simple question de souveraineté nationale ! Qu'est-ce en effet que la souveraineté nationale face à de tels enjeux ? Il faudrait donc accepter que la question de la nationalité des commandants, des capitaines, des officiers, devienne presque secondaire… Et ce, au mépris d'un principe constitutionnel majeur, rappelé par le Conseil d'État dans son avis du 25 novembre 2004.

Ainsi, en application du principe de valeur constitutionnelle selon lequel la défense de l'ordre public et la protection des libertés relèvent des seules autorités nationales, un acte de police ressortit à l'exercice des conditions essentielles de la souveraineté nationale, dès lors qu'il implique l'usage de la contrainte et peut conduire à une privation de liberté. En conséquence, il ne peut être exécuté que par une autorité publique française, ou du moins sous son contrôle. Le Conseil d'État précise dans son avis que la reconnaissance par la France à des étrangers de tels pouvoirs de police ne saurait intervenir qu'après une révision de la Constitution. Or on est, avec ce texte, dans un cas de figure similaire. En effet, qui pourrait soutenir que les pouvoirs conférés au commandant d'un navire ne relèvent pas de la défense de l'ordre public et de la protection des libertés ?

Certes, le chapitre II de votre projet de loi encadre les pouvoirs du capitaine en matière pénale et les place sous le contrôle de l'autorité judiciaire. Mais, malgré les précautions apportées par ce titre en ce qui concerne les prérogatives en matière pénale et de sécurité des navires, les pouvoirs conférés au capitaine ou à son second en qualité d'officier ministériel et d'officier d'état civil restent des « actes de police qui impliquent l'usage de la contrainte et qui sont susceptibles de conduire à une privation de liberté ». Ainsi, et pour ne citer que quelques exemples, le capitaine peut-il ordonner la consignation d'une personne dans un lieu fermé. Il exerce des pouvoirs relatifs à divers articles du code de procédure pénale, tels que la saisie d'armes ; il dresse également le procès-verbal des déclarations des auteurs des crimes. Ses pouvoirs sont considérables.

Force est donc de constater que les fonctions de capitaine sont indissociables de l'exercice régulier de prérogatives de puissance publique, dans des domaines aussi variés que le maintien de l'ordre, la sécurité du navire, des personnes embarquées et de la cargaison. C'est pour cette raison précise que la bataille juridique est loin d'être perdue.

Nous vous incitons donc fortement à ne pas abdiquer devant la Commission européenne, à ne pas vous aligner, comme je l'ai dit tout à l'heure, et ce dans l'intérêt du secteur maritime, au nom de l'impératif de sécurité des navires et de l'avenir de la filière française – j'aurai l'occasion d'intervenir plus précisément sur ce dernier point dans la discussion générale.

Pour toutes ces raisons, nous vous demandons de renoncer à l'examen de ce projet de loi contraire à un principe majeur de notre Constitution, celui de l'exercice de la souveraineté nationale dans la défense de l'ordre public et des libertés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

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