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Intervention de Daniel Paul

Réunion du 30 janvier 2008 à 15h00
Nationalité des équipages de navires — Exception d'irrecevabilité

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Paul :

…que la Commission européenne a juridiquement tort ?

Le juriste Pierre Bonnassies n'est pas persuadé que les arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes de 2003 condamnent définitivement la réglementation française exigeant la nationalité française pour tout capitaine d'un navire battant pavillon français. Je vous rappelle en effet que, pour la Cour de justice, « l'article 39 doit être interprété en ce sens qu'il n'autorise un État membre à réserver à ses ressortissants les emplois de capitaine et de second des navires marchands battant son pavillon qu'à la condition que les prérogatives de puissance publique attribuées aux capitaines et aux seconds soient effectivement exercées de façon habituelle et ne représentent pas une part très réduite de leur activité ». Pour M. Bonnassies, cette formulation laisse entendre que plusieurs des prérogatives exercées par un capitaine présentent un caractère évident de permanence, propre à justifier une exception fondée sur l'article 39 !

C'est donc sur le caractère qualifié de « non permanent » de l'autorité exercée par les commandants de bord qu'il y a matière à débattre. Or, plusieurs éléments nous confortent dans l'idée qu'il existe un caractère permanent dans l'autorité qu'ils exercent : tout d'abord, ils sont le représentant de l'État du pavillon à bord du navire, dès lors que celui-ci navigue en haute mer ou dans des eaux étrangères. La Convention de Genève de 1958 prévoit ainsi qu'un lien substantiel doit exister entre l'État et le navire. La réserve de nationalité française du capitaine du navire et de son suppléant ne représente-t-elle pas un élément constitutif de ce lien ?

En outre, au titre du code international pour la sûreté des navires et des installations portuaires, dit « code ISPS », l'État a l'obligation permanente d'assurer la sécurité et la sûreté à bord des navires et de lutter contre le terrorisme. Or qui représente l'État de manière permanente à bord du navire, si ce n'est son capitaine ?

Enfin, la réglementation maritime actuelle, notamment communautaire, impose aux armateurs des obligations rigoureuses destinées à assurer le respect de la sécurité de la navigation, le respect de la sûreté des navires, ainsi que la protection de l'environnement. Or ce sont chaque jour des dizaines d'ordres qui sont donnés par le capitaine pour assurer la bonne navigation, la sécurité du navire et la protection de l'environnement – en particulier celle des côtes.

Au vu de la multiplicité de ces obligations, il paraît difficile de ne pas considérer que l'autorité exercée par le capitaine revêt un caractère permanent : c'est lui qui, au quotidien, est responsable du respect de la réglementation, donc responsable de l'application à bord des diverses conventions internationales et, par là même, garant de l'exécution de ces obligations par l'État du pavillon.

Dans la mesure où la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes accepte qu'il soit dérogé au principe de libre circulation des travailleurs, si les prérogatives de puissance publique sont effectivement exercées de façon habituelle et ne représentent pas une part réduite de leur activité, cette jurisprudence n'interdit donc absolument pas de réserver la nationalité française à ces personnels.

Les raisons invoquées ont le mérite de la transparence. En effet, monsieur le secrétaire d'État, vous avez souligné devant le Sénat – et ici dans votre intervention liminaire – que si la France perdait un contentieux devant la Cour de justice des Communautés européennes et était condamnée, elle courrait le risque que les institutions communautaires refusent ensuite de valider l'ensemble de nos soutiens financiers à l'armement. Autrement dit, vous sacrifiez la question de la nationalité des équipages de navires, des commandants et de leurs seconds, à celle de vos réformes à venir pour les armateurs !

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