Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, selon le sénateur de la Seine-Maritime Charles Revet, auteur d'un rapport sur le texte qui nous occupe aujourd'hui, le capitaine serait le seul maître à bord après Dieu. À vous entendre, il faudrait revoir cette affirmation car la Commission européenne serait devenue omnipotente, et c'est elle qui aurait le dernier mot dans le débat relatif à la nationalité des équipages de navire. La mise en demeure de décembre 2003 et l'avis motivé de juillet 2005 adressés à la France pourraient bien en effet avoir raison des réticences des autorités françaises à lever le verrou de la nationalité du commandant et de son adjoint.
Pourtant, faut-il accepter aussi facilement de se plier aux recommandations communautaires ? La France a-t-elle réellement épuisé toutes les possibilités juridiques pour obtenir gain de cause dans le contentieux qui l'oppose à la Commission européenne ? Et surtout, faut-il céder si rapidement sur un principe à valeur constitutionnelle majeure ?
Rappelons brièvement la chronologie des faits. Le choix de réserver les fonctions de commandement à des nationaux a été ancré à diverses reprises dans la législation française. La France s'est notamment appuyée sur l'article 39, alinéa 4, du traité d'Amsterdam – devenu depuis l'article 48 du traité constitutionnel européen – pour justifier le maintien de sa position auprès des institutions communautaires.
Après avoir paru valider notre interprétation juridique, la Cour de justice des Communautés européennes a toutefois rendu en 2003 deux arrêts qui remettaient en cause cette interprétation et dans lesquels elle soutenait que l'article 39 devait être interprété comme n'autorisant un État membre à réserver à ses ressortissants les fonctions de capitaine ou de son suppléant qu'à condition « que les prérogatives de puissance publique soient exercées de manière habituelle et ne représentent pas une part très réduite de leur activité ».
À la suite de ces arrêts, la Commission a adressé le 19 décembre 2003 à l'État français une lettre de mise en demeure énonçant, sur la base de ces arrêts, que la réserve de nationalité était incompatible avec l'article en question. Elle a donc demandé que la nationalité française ne soit plus requise que pour les emplois de capitaine et de second de navires supposant l'exercice effectif, de façon habituelle, pour une part de leur activité qui ne soit pas très réduite, des prérogatives de puissance publique. Le privilège de nationalité fait donc aujourd'hui l'objet d'un recours en manquement de la Commission européenne. La question qui se pose est donc la suivante : la France a-t-elle perdu d'avance ?
Ne peut-on pas soutenir, comme l'ont d'ailleurs fait, avec beaucoup de pertinence, le sénateur Henri de Richemont et notre rapporteur Jean-Yves Besselat en commission des affaires économiques…