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Intervention de Patricia Adam

Réunion du 6 janvier 2009 à 15h00
Réforme de la filiation — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatricia Adam :

Sans les amendements sénatoriaux, le présent texte aurait fait l'unanimité. Comme l'a expliqué Alain Vidalies, nous sommes en effet favorables à l'évolution du droit de la filiation, et accueillons positivement l'essentiel des dispositions de l'ordonnance, tout en regrettant la procédure elle-même, qui exclut le Parlement sur une question de société essentielle pour de nombreuses familles.

Je limiterai néanmoins mon propos à l'amendement sénatorial relatif aux articles 325 et 326 du code civil, c'est-à-dire à la recherche en maternité. En supprimant la réserve de l'article 326, le Sénat a ouvert une brèche dans la conservation du secret de l'identité des mères ayant demandé l'anonymat lors de leur accouchement. Depuis sa transcription dans la loi à l'époque de la Révolution, en 1793, l'accouchement dans l'anonymat et son encadrement ont permis d'éviter des infanticides, des expositions d'enfants, des drames humains. Parce qu'aucune Constitution républicaine ne l'a jamais remis en cause, ce principe pourrait être considéré comme ayant valeur constitutionnelle. Remettre en cause, sous quelque forme que ce soit, la garantie du secret de l'identité d'une mère qui en a fait la demande revient à vider ce principe de sa substance, donc à l'annihiler. Or, c'est malheureusement ce à quoi peut aboutir, à terme, l'amendement dont nous demandons la suppression.

Mes propos ne sont pas alarmistes pour la forme ; ils s'appuient sur des propositions ou des déclarations de parlementaires, dont certains sont devenus ministres, et en particulier sur une proposition de loi déposée en 2006 tendant à rendre obligatoire la communication de l'identité de la mère à la majorité de l'enfant. C'était là ouvrir une première brèche.

Les accouchement sous X réalisés en France répondent à des situations difficiles et douloureuses, voire dramatiques, pour des femmes en détresse qu'il n'est pas nécessaire de culpabiliser davantage. Nul ne peut nier la légitimité de la demande de l'enfant adopté de connaître ses origines. Néanmoins, traiter cette question sensible et difficile par le biais d'une ordonnance relative à la filiation n'est pas admissible à mes yeux. L'enfant adopté a d'abord été abandonné ; cette « blessure primitive », comme l'appellent certains spécialistes, doit être traitée et faire l'objet d'explications. Et ce n'est pas par une quasi impossible recherche en maternité que nous réglerons le problème.

L'accouchement sous X met en jeu quatre aspirations parfois contradictoires : le droit, pour la mère biologique, de bénéficier de l'anonymat ; le droit de l'enfant de connaître ses origines ; le droit du père biologique d'élever l'enfant ou de rester en contact avec lui ; la sécurisation, enfin, du lien de filiation par l'adoption. La création du CNAOP, le Conseil national pour l'accès aux origines personnelles, a permis de répondre, aussi bien qu'il était possible, à cette quadruple problématique. Toutefois, mon inquiétude quant à la préservation du secret, inquiétude sur laquelle j'interpelle le Gouvernement, s'est accrue depuis la réponse de la directrice du CNAOP au courrier que je lui ai adressé cette année. Permettez-moi d'en citer un extrait : « la levée de fin de non-recevoir ne change absolument rien. » Pourquoi donc légiférer ? « La recherche en maternité », poursuit la directrice du CNAOP, « n'aboutira pas si la mère a demandé le secret, et dans le cas contraire » – c'est ce point qui est grave – « elle permettra éventuellement à la personne d'établir un lien de filiation. »

Je rappelle que la filiation est un terme de droit définissant le lien de parenté qui unit un enfant à ses parents. Je puis donc comprendre l'inquiétude des familles adoptives, qui m'ont déjà interpellée, à la lecture de cette lettre et de la philosophie qui l'inspire, à savoir la primauté du lien biologique sur le lien de parenté, lequel a toujours été défini, dans notre législation, par la filiation de droit. Nous ne saurions régler un tel problème par voie d'ordonnance, non plus que par un amendement par ailleurs présenté comme anodin. Il me semble donc prudent de supprimer celui-ci.

Une mission d'information de notre assemblée travaille sur la révision des lois bioéthiques : les questions dont nous débattons ne manqueront pas d'être posées, s'agissant notamment du lien biologique et du lien de filiation. Laissons cette mission achever sereinement ses travaux ; s'il le faut, nous légiférerons ensuite en traitant la question dans sa globalité, en tenant compte des quatre éléments parfois contradictoires que j'indiquais. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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