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Intervention de Alain Vidalies

Réunion du 6 janvier 2009 à 15h00
Réforme de la filiation — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Vidalies :

Débattre de la réforme de la filiation dans ces conditions, sans aucune audition préalable devant la commission – c'est à ma connaissance le seul texte sur lequel, malgré son importance, la commission des lois n'a procédé à aucune audition – et, en l'état, sans aucun amendement ni du rapporteur ni de la commission, est tout à fait surprenant. Ce choix singulier est en réalité dicté par la volonté d'éviter les débats sur les amendements adoptés par le Sénat, mais aussi sur les conséquences des décisions récentes de la Cour de cassation ou de la Cour européenne des droits de l'homme.

L'objet de l'ordonnance n'est pourtant pas au départ un sujet conflictuel. Il s'agit, au contraire, d'un espace juridique dans lequel nous avons, sous chaque majorité, apporté notre pierre à l'édifice, pour parvenir notamment à un statut unique pour tous les enfants, avec les mêmes droits, sans distinction des conditions d'établissement ou de la particularité de leur filiation.

Rapporteur de la loi du 3 décembre 2001 qui a supprimé toute différence de traitement entre les enfants naturels et les enfants adultérins, je ne peux qu'approuver le texte d'une ordonnance qui achève le processus engagé depuis la loi du 3 janvier 1972. Désormais notre droit ne comportera plus aucune discrimination entre la filiation légitime et la filiation naturelle, même pour la preuve de la maternité ou l'établissement de la possession d'état.

Nous approuvons également la simplification des actions en justice en matière de filiation. Désormais, une seule action sera ouverte pour le même objet, sans considération du mode d'établissement de la filiation ou de la naissance, dans ou hors mariage. Cette simplification aboutit manifestement à une clarification et à une meilleure lisibilité de la loi.

Vous nous proposez d'adopter le texte issu des travaux du Sénat. Or, sur un point au moins, ce texte pose une difficulté. En effet, en supprimant par voie d'amendement la référence à l'article 326 du code civil dans l'article 325 du même code, le Sénat autorise l'action en recherche de maternité pour tous les enfants, y compris ceux dont la mère a choisi d'accoucher sous X, au motif que la France risque d'être condamnée pour violation de l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Évoqué lors des débats devant le Sénat, l'arrêt du 13 février 2003, rendu par la Cour européenne des droits de l'homme dans l'affaire Odièvre contre France, estime pourtant « que la législation française tente d'atteindre un équilibre et une proportionnalité suffisantes entre les intérêts en cause ». Lors des débats en commission, monsieur le rapporteur, vous avez soutenu, comme vous venez de le répéter à cette tribune, qu'en pratique cette modification serait d'une portée limitée. Vous allez même plus loin aujourd'hui, puisque vous nous expliquez que vous créez un droit nouveau – l'action en recherche de maternité dans ces conditions spécifiques est en effet juridiquement irrecevable aujourd'hui –, mais qu'il sera impossible à mettre en oeuvre. Pensez-vous réellement que c'est ainsi que l'on pratique le droit ? Je pense au contraire que votre démonstration est inacceptable.

Dans le rapport de la mission d'information sur le droit de la famille, Mme Pecresse, alors rapporteure, écrivait, s'agissant des conséquences à tirer de l'arrêt Odièvre, exactement l'inverse de l'interprétation retenue par le Sénat et que vous soutenez aujourd'hui.

Chacun doit ici évaluer la nature du problème, à savoir le risque de voir fragilisées les conditions de l'accouchement sous X. Si on est hostile au maintien de l'accouchement sous X dans notre législation, mes objections deviennent naturellement sans portée ; si on considère au contraire que l'accouchement sous X doit être maintenu dans notre droit positif, personne ne peut être insensible au fait que, dans deux circonstances au moins, la possibilité d'une recherche de maternité lui fera obstacle.

Au moment de l'accouchement sous X, d'abord, il faudra désormais informer la femme que cette procédure n'exclut plus l'action en recherche de maternité. Cela aura ensuite des répercussions sur le fonctionnement – complexe, j'en conviens – du conseil national d'accès aux origines, que nous avons essayé d'élaborer ensemble, lequel devra désormais avertir les mères ayant laissé leur identité qu'elles peuvent faire l'objet d'une action en recherche de maternité. Cette modification est donc contre-productive, et ce d'autant plus que le dispositif en vigueur faisait l'objet d'un consensus.

Le deuxième problème majeur concerne l'établissement d'un acte d'état civil pour les enfants né sans vie. Par trois arrêts du 6 février 2008, la Cour de cassation a estimé que l'article 79-1 du code civil ne subordonne l'établissement d'un acte d'enfant sans vie ni au poids du foetus ni à la durée de la grossesse.

En réalité, la Cour de cassation a estimé que les normes fixées par l'Organisation mondiale de la santé, à savoir un poids minimum égal ou supérieur à 500 grammes ou 22 semaines d'aménorrhée ne pouvaient résulter d'une simple circulaire comme celle du 30 novembre 2001, mais relevaient du domaine de la loi. Le médiateur de la République lui-même avait indiqué à l'époque qu'il fallait que le législateur intervienne.

Or le Gouvernement, certainement pour éviter le débat de fond, a tenté de résoudre la difficulté par la publication de deux décrets et de deux arrêtés, le 22 août 2008. Cette réponse est par définition incohérente, puisque, selon les trois arrêts de la Cour de cassation, ces dispositions ne relèvent pas du domaine réglementaire mais exigent que le législateur prenne ses responsabilités en complétant l'article 79-1.

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