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Intervention de Gilles Bourdouleix

Réunion du 6 janvier 2009 à 15h00
Réforme de la filiation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Bourdouleix, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Le projet de loi ratifiant l'ordonnance du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation a été adopté par le Sénat le 15 janvier 2008. Lors de sa réunion du 2 avril 2008, la commission des lois de l'Assemblée nationale a adopté ce texte sans modification.

Cette ordonnance, prise sur le fondement de l'article 4 de la loi du 9 décembre 2004 de simplification du droit, est entrée en vigueur le 1er juillet 2006. Elle a opéré une importante réforme du droit de la filiation, qui tire les conséquences de l'égalité de statut entre les enfants, quelles que soient les conditions de leur naissance. Comme le rappelait Mme la secrétaire d'État, la distinction entre filiation légitime et naturelle est désormais dépassée. Cette réforme unifie également les conditions d'établissement de la filiation maternelle. Elle précise les conditions de constatation de la possession d'état et coordonne le régime procédural de l'établissement judiciaire de la filiation, en préservant l'enfant des conflits de filiation et en simplifiant le régime des actions en contestation qu'elle harmonise.

Le projet de loi, dans son article 2, procède à des coordinations dans d'autres codes, qui dépassaient le champ de l'habilitation.

Je n'exposerai pas plus longuement les modifications opérées par l'ordonnance du 4 juillet 2005 car Mme la secrétaire d'Etat vient de les présenter avec précision. En revanche, je souhaite insister sur les raisons pour lesquelles la ratification de cette ordonnance est particulièrement souhaitable, avant de présenter les principales améliorations que le Sénat a apportées au projet de loi.

Cette modification du code civil par ordonnance est inédite. Le rapporteur du projet de loi d'habilitation, notre collègue Étienne Blanc, avait d'ailleurs souligné dans son rapport que la force symbolique de la loi en matière de droit civil rendait nécessaire une ratification faisant l'objet d'un examen spécifique du Parlement, afin qu'il puisse exercer pleinement son contrôle.

Au-delà de cette question de principe, la ratification de l'ordonnance est particulièrement nécessaire car elle nous donne l'occasion de corriger une grave anomalie.

Je reviens un instant sur les propos de Mme la secrétaire d'État, car il s'agit d'un sujet essentiel. En effet, l'ordonnance a malencontreusement supprimé toute possibilité de changement du nom de famille des enfants nés avant le 1er janvier 2005. Les parents concernés sont donc confrontés à de lourdes difficultés.

Auparavant, les enfants nés après l'entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002 pouvaient bénéficier d'un tel changement de nom par une déclaration devant le greffier en chef du tribunal de grande instance, en vertu de l'article 334-2 du code civil, mais celui-ci a été abrogé par l'article 15 de l'ordonnance.

Désormais, les dispositions de l'article 311-23 du code civil permettent aux parents d'un enfant reconnu ultérieurement par son père de modifier son nom de famille devant l'officier d'état-civil. Toutefois, ces dispositions ne s'appliquent qu'aux enfants nés à compter du 1er janvier 2005, en application du 5° de l'article 20 de l'ordonnance précitée. Dès lors, le seul moyen de procéder à un changement de nom pour ces enfants consiste à former une demande auprès du Sceau de France, ce qui constitue une procédure très lourde.

Cette difficulté a été identifiée depuis plusieurs mois. C'est ainsi que notre assemblée a adopté, le 17 janvier 2007, un amendement au projet de loi portant réforme de la protection juridique des majeurs. Toutefois, le Conseil constitutionnel a estimé que l'article additionnel qui résultait de l'adoption de cet amendement était « dépourvu de tout lien avec les dispositions qui figuraient dans ce projet de loi » et l'a donc déclaré contraire à la Constitution dans une décision du 1er mars 2007. Dans le même esprit, le président de la commission des lois, notre collègue Jean-Luc Warsmann, a déposé une proposition de loi, n° 457, de simplification en matière de filiation ayant précisément pour objet de corriger cette anomalie dans la dévolution du nom de famille.

J'en viens maintenant aux aménagements que le Sénat a apportés au projet de loi. Il a en effet adopté un amendement à l'article 1er, qui clarifie la rédaction de quelques articles du code civil.

À l'article 315, il s'agit de permettre au mari dont la présomption de paternité a été écartée de reconnaître l'enfant. Aux articles 317, 330 et 333, le Sénat a souhaité préciser explicitement que le décès du parent est l'un des points de départ des délais pendant lesquels la possession d'état d'un enfant peut être constatée ou contestée. À l'article 335, il a proposé d'aligner le délai de contestation de la filiation établie par un acte de notoriété constatant la possession d'état, fixé à cinq ans, sur celui de la contestation, par la voie de la tierce opposition, de la filiation établie par un jugement constatant cette même possession d'état, qui est de dix ans. Il était effectivement anormal qu'un simple acte de notoriété soit contestable deux fois moins longtemps qu'une décision de justice.

Le Sénat propose également d'introduire dans le code civil un article 336-1 afin de prévoir la procédure que l'officier d'état-civil doit appliquer en cas de conflit de paternité.

Il est également proposé, à l'article 342 du code civil, d'aligner le délai de prescription de l'action à fins de subsides – dont le régime n'est pas modifié par l'ordonnance –, actuellement fixé à deux ans, sur le délai de prescription de droit commun des actions relatives à la filiation, qui est de dix ans.

Je souhaite m'attarder un instant sur la suppression, à l'article 325, de la mention expresse de la non-admission d'une recherche en maternité dans le cas d'un accouchement sous X. En effet, cette modification a fait l'objet d'un débat lors de la réunion de la commission des lois.

Cette suppression ne remet évidemment pas en cause la possibilité, pour la mère, de demander la préservation du secret de son admission à la maternité et de son identité. Ce principe est posé très clairement à l'article 326 du code civil, qui n'est pas modifié par le projet de loi tel qu'il a été modifié par le Sénat.

Notre collègue Henri de Richemont, rapporteur de la commission des lois du Sénat, précise dans son rapport que la modification apportée à l'article 325 vise à « prévenir une éventuelle condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme ». En effet, alors qu'il n'existe actuellement aucune fin de non-recevoir à l'action en recherche de paternité, la décision de la mère d'accoucher sous X élève une fin de non-recevoir à l'action en recherche de maternité, du fait de la rédaction en vigueur de l'article 325 du code civil. Cette discrimination entre hommes et femmes est fréquemment dénoncée comme contraire à l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La modification proposée par le projet de loi aura seulement pour conséquence de rendre recevable une action en recherche de maternité, mais, dans les faits, l'enfant ne saura pas contre qui la diriger.

Nos débats ont également porté sur les conséquences des arrêts de la Cour de cassation du 6 février 2008 concernant la délivrance des actes des enfants sans vie. J'observe que cette question a été réglée par deux décrets du 20 août 2008, qui ont réformé les modalités de délivrance des actes d'enfants nés sans vie et ont notamment permis la délivrance d'un livret de famille portant une indication d'enfant sans vie.

Enfin, nos débats ont porté sur les conséquences d'un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme sur les motifs susceptibles de fonder un refus ou un retrait d'agrément à l'adoption. Or il me paraît très clair que notre droit prévoit déjà la motivation des refus d'agrément. Compte tenu de la jurisprudence de la Cour européenne, j'estime donc que le dispositif juridique en vigueur permet d'éviter toute discrimination notamment liée à l'orientation sexuelle de l'adoptant.

Cette ordonnance, au bénéfice des quelques aménagements opérés par le Sénat, mérite d'être ratifiée. Je vous invite donc à adopter, à l'instar de la commission, ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

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