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Intervention de Valérie Létard

Réunion du 6 janvier 2009 à 15h00
Réforme de la filiation

Valérie Létard, secrétaire d'état chargée de la solidarité :

Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, nous achevons aujourd'hui un grand chantier : celui de la rénovation de notre droit de la filiation.

Ma collègue garde des sceaux, Rachida Dati, m'a demandé de bien vouloir la remplacer à cette tribune, ce que chacun d'entre vous comprendra. Je profite de l'occasion pour la féliciter et associer l'ensemble des parlementaires à cette démarche. Je sais qu'elle aurait vivement souhaité être en mesure de pouvoir vous présenter elle-même ce projet de loi mais je suis certaine que vous excuserez son absence.

Le droit de la filiation est un aspect majeur du droit de la famille. Depuis la loi d'habilitation de 2004, ministres et parlementaires ont travaillé en étroite collaboration sur ce sujet de société. Je tiens tout particulièrement à saluer le travail accompli par le président Warsmann et les membres de la commission des lois. Leur contribution a été précieuse.

Je veux également rendre hommage à Gilles Bourdouleix pour la qualité et la précision de son rapport. Monsieur le député, sur un sujet particulièrement délicat et complexe, vous avez su faire preuve de clarté et d'esprit de synthèse. Votre engagement irréprochable a permis d'obtenir le plein soutien de la commission des lois. Je voulais vous en remercier.

L'ordonnance du 4 juillet 2005 a réformé la filiation de manière équilibrée en tenant compte des évolutions majeures de notre société, notamment de l'augmentation des naissances hors mariagequi représentent désormais plus de la moitié du total des naissances. La réforme protège également la famille, valeur fondamentale de notre société, qui constitue l'un des piliers de la nation.

Conformément à la Constitution, l'ordonnance du 4 juillet 2005, entrée en vigueur le 1er juillet 2006, doit être ratifiée par le Parlement. Le Sénat s'est prononcé favorablement le 15 janvier 2008 ; il appartient donc aujourd'hui à l'Assemblée nationale d'en débattre. Avant que vous procédiez au débat et au vote, je veux vous présenter les principes essentiels que contient l'ordonnance du 4 juillet 2005, ainsi que les modifications adoptées par le Sénat lors de son vote.

Cette ordonnance répond à des objectifs d'égalité, de simplification et de sécurité juridique du droit de la filiation. À ces divers titres, quatre avancées me paraissent essentielles.

Premièrement, l'ordonnance pose le principe de l'égalité entre tous les enfants, qu'ils soient nés de couples mariés ou non. Les notions de filiation « légitime » ou « naturelle », et de « légitimation » n'avaient, en effet, plus de sens dans une société où la moitié des enfants naissent hors mariage. Les enfants étant égaux en droit – ce principe est intangible –, ces notions sont désormais supprimées.

Deuxièmement l'ordonnance pose, le principe de l'égalité entre toutes les mères. Avant la réforme, les mères qui n'étaient pas mariées devaient reconnaître officiellement leur enfant pour établir la maternité. Avec la réforme, la désignation de la mère dans l'acte de naissance de l'enfant suffit à établir la maternité. Cette simplification est de bon sens. L'ancien système revenait à dire que donner la vie ne suffisait pas pour avoir la qualité de mère ! Une telle situation était totalement incompréhensible et même humiliante pour les femmes non mariées. L'égalité est maintenant complète entre femmes mariées et non mariées : nous ne pouvons que nous en féliciter.

Troisièmement, la réforme a permis de clarifier les conditions de constatation de la possession d'état, notion complexe mais essentielle en droit de la famille. La possession d'état permet de prendre en compte la réalité quotidienne du lien de filiation. Elle permet d'établir une filiation indépendamment de la réalité biologique. Il s'agit par exemple du cas d'une personne, qui sans être le père biologique de l'enfant, traite ce dernier comme son fils ou sa fille, tandis que l'enfant le considère comme son père. Cette personne, qui, aux yeux de tous, est le père de l'enfant, possède, en quelque sorte, l'état de père. Avant la réforme de 2005, la possession d'état pouvait être constatée sans qu'aucun délai ne puisse être opposé. Avec l'ordonnance du 4 juillet 2005, la sécurité juridique a été renforcée. La possession d'état ne peut permettre d'établir une filiation que si elle a été constatée par un acte de notoriété délivré dans les cinq ans suivant sa cessation.

Quatrième et dernier point, l'ordonnance unifie les procédures d'établissement et de contestation de paternité. Avant 2005, les délais et les titulaires du droit d'agir en justice variaient selon qu'il s'agissait d'une action concernant le père ou la mère, mais aussi selon qu'il s'agissait de filiation « légitime » ou « naturelle ». Ainsi, l'enfant qui souhaitait faire établir sa filiation pouvait agir contre son père jusqu'à l'âge de vingt ans mais il pouvait rechercher sa mère jusqu'à l'âge de quarante-huit ans. Une telle différence était injustifiée. Désormais, toutes les actions pour établir un lien de filiation sont soumises à une prescription de dix ans, délai suspendu pendant la minorité de l'enfant. Ce dernier pourra donc agir jusqu'à ce qu'il ait atteint l'âge de vingt-huit ans.

L'ordonnance simplifie également le régime des actions en contestation de filiation. Désormais, elles ne seront plus liées à la nature de la filiation, mais à l'implication du père dans l'éducation de l'enfant. Si le père a participé à l'éducation de l'enfant pendant au moins cinq ans, la filiation ne pourra plus être contestée par quiconque. En revanche, s'il n'a pas participé à l'éducation de l'enfant, la paternité pourra être attaquée pendant dix ans à compter de la naissance ou de la reconnaissance de l'enfant. Ce délai est rouvert au profit de l'enfant majeur, qui peut agir jusqu'à l'âge de vingt-huit ans.

La réforme a donc renforcé l'égalité entre les enfants, et contribué à simplifier les règles régissant le contentieux de la filiation en tenant compte du lien affectif.

Lors de l'examen de ce texte au Sénat, les sénateurs ont souhaité apporter quelques aménagements tout à fait utiles.

Le Sénat a tout d'abord modifier la disposition, vécue comme injuste par de nombreux parents, relative au changement de nom des enfants encore mineurs, nés avant le 1er janvier 2005. Aujourd'hui, si la filiation n'est établie qu'à l'égard d'un seul parent, l'enfant prend le nom de ce parent au moment de la déclaration de naissance. Par exemple, si la filiation n'est établie qu'à l'égard de sa mère, il prend le nom de sa mère. L'ordonnance du 4 juillet 2005 a autorisé le changement de nom, une fois le second lien de filiation établi, par simple déclaration devant l'officier d'état civil. Dans mon exemple, si l'enfant qui porte le nom de sa mère est ultérieurement reconnu par le père, les parents peuvent changer son nom, afin qu'il prenne le nom de son père.

L'ordonnance n'autorisait ce changement de nom que pour les enfants nés après le 1er janvier 2005. Or de nombreux parlementaires se sont fait l'écho de demandes de parents d'enfants nés avant le 1er janvier 2005, qui souhaitaient user de cette faculté et ne comprenaient pas pourquoi cette possibilité leur était refusée. Le texte adopté par le Sénat étend donc cette faculté à tous les enfants mineurs nés avant le 1er janvier 2005. L'égalité est ainsi rétablie. Cette adaptation répond aux attentes de nombreuses familles.

Le Sénat propose ensuite de permettre au mari, dont la présomption de paternité a été écartée, de reconnaître l'enfant. Ce dispositif concerne principalement les couples mariés, séparés de fait. En effet, si un enfant naît durant la séparation, la présomption de paternité est écartée. Toutefois, le mari pourra désormais, s'il estime être le père, reconnaître l'enfant sans avoir à saisir le tribunal. Il s'agit d'une avancée importante qui tient compte de la vie des familles.

Enfin, le Sénat a adopté un dispositif pour traiter tout éventuel conflit de paternité lors de la naissance de l'enfant. En effet si ces conflits sont rares, ils existent bien. Il peut ainsi arriver que le mari ou le compagnon d'une femme qui vient d'accoucher se présente devant l'officier d'état civil pour déclarer la naissance de l'enfant. Or que se passe-t-il si ce dernier détient déjà une reconnaissance de paternité prénatale établie par un tiers ? Le texte adopté par le Sénat prévoit que l'officier de l'état civil doit inscrire l'homme qui se présente devant lui en qualité de père, et prévenir immédiatement le procureur de la République afin qu'il saisisse le tribunal. Il s'agit d'éviter que l'enfant puisse être rattaché à un tiers, et non au couple qui l'élève. Le tribunal statuera sur ce conflit de filiation sans que le couple ait à engager lui-même une action en justice.

L'ordonnance du 4 juillet 2005 est consensuel. En la ratifiant vous confirmerez la nécessité de faciliter le rattachement de l'enfant à ses père et mère. Vous consacrerez des règles claires, simples, précises et harmonisées, qui renforcent le lien de filiation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

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