Ce scrutin public sera d'autant plus nécessaire que ce sous-amendement est au coeur de nos critiques sur les conditions dans lesquelles la loi organique et l'amendement de M. Warsmann fixent les modalités d'allégation de l'irrecevabilité par le Premier ministre. Pour l'instant, le Premier ministre s'adressera au président de l'assemblée en disant que la résolution est irrecevable parce qu'elle constitue une injonction ou qu'elle met en cause la responsabilité de son gouvernement. Cette formulation n'est pas acceptable. En l'absence de décision motivée et rendue publique, il sera impossible d'apprécier la réalité et la pertinence des motifs qui conduisent le Premier ministre à prendre sa décision.
En conséquence, si cette appréciation est négative, quels moyens les signataires de la résolution – qui, de leur côté, prétendent qu'elles pouvait être débattue par leur assemblée – auront-ils de la contester ? Je vous pose la question, monsieur Warsmann, car elle est pertinente : auront-ils comme seul moyen d'obliger le président de l'assemblée à réagir ? À réagir à l'égard du Premier ministre ? Qu'est-ce que cela donnera ? Saisira-t-on systématiquement le Conseil constitutionnel pour alléguer d'une mauvaise appréciation par le Premier ministre du dispositif constitutionnel ? Je ne suis même pas certain que la saisine du Conseil constitutionnel soit possible dans ce cadre – certains d'entre vous semblent d'ailleurs le confirmer par acquiescement. Dès lors, la décision du Premier ministre d'alléguer l'irrecevabilité devient sans appel et sans recours.
Si c'est le cas, mes chers collègues, il est inutile que nous continuions à délibérer sur le pouvoir qu'a le Parlement de déposer des résolutions. En effet, toute circonstance politique est susceptible de tomber sous le coup de l'article 34-1, alinéa 2, et c'est bien légitime ! En outre, qu'en sera-t-il dans les périodes au cours desquelles la censure ou la dissolution sont impossibles ? En l'absence de tels instruments, le Premier ministre aura tout loisir de proposer une interprétation lâche – au sens juridique du terme – de l'irrecevabilité.
En clair, faute de soumettre l'allégation d'irrecevabilité d'une résolution par le Premier ministre à une motivation écrite, susceptible au moins d'être portée à la connaissance de l'assemblée et, au mieux, de provoquer la saisine du Conseil constitutionnel, ne prétendez pas que vous instituez un droit de résolution ! Dans les faits, il n'existera pas.
Voilà pourquoi ce sous-amendement est fondamental. Vous devez nous répondre, monsieur le secrétaire d'État : selon vous, est-il concevable que le Premier ministre use de son droit à prétendre à l'irrecevabilité d'une résolution sans que cette décision fasse l'objet d'aucun examen en matière constitutionnelle, ni d'aucun recours, s'agissant de la faculté de l'assemblée d'adopter une résolution. Là est le coeur du débat, là est ce qui motive notre hostilité à ce dispositif. Nous estimons que derrière la prétention constitutionnelle et la loi organique ne se cache aucune intention d'ouvrir à l'Assemblée le droit essentiellement démocratique et moderne d'adopter une résolution dans le cadre de ses compétences.