…mais relève surtout de ces mots d'ordre qui, tout en témoignant d'une profonde ignorance des problèmes réels, enflamment les meetings de l'UMP au risque de compromettre les progrès constatés en ce domaine depuis dix ans.
Il est vrai que ce texte bénéficie d'un environnement médiatique pour le moins singulier, puisque la presse continue généralement d'évoquer l'instauration d'un service minimum correspondant aux attentes que nos concitoyens exprimeraient dans de nombreux sondages d'opinion.
L'aspiration des Français, en tant que citoyens usagers, à la continuité des services publics de transport est légitime et nous la partageons. Toutefois, la véritable question est celle de la méthode permettant d'y parvenir. Or nous pensons que votre texte, en tournant le dos aux acquis du dialogue social et en visant à durcir l'encadrement législatif du droit de grève, produira le résultat inverse.
Le droit de grève et le principe de la continuité du service public ont, tous deux, valeur constitutionnelle : il est vrai, toutefois, qu'ils entrent souvent en confrontation et que tel est l'objet de notre débat. Du reste, chaque Français vit cette confrontation puisqu'il est à la fois un citoyen attaché au maintien du droit de grève et un usager attaché à la continuité du service public.
Il est tout aussi vrai que les conflits sociaux qui aboutissent à des grèves ne sont pas tous de même nature et que souvent la solidarité de l'usager et du citoyen s'exprime, comme en 1995 pour protester contre les ordonnances Juppé sur les retraites, ou plus simplement pour défendre le maintien du service public face à des projets de suppression de lignes notamment. Votre projet ne changera rien à cette réalité et si, demain, votre politique d'agression contre les services publics, avec la suppression annoncée de dizaines de milliers de postes – on évoque aujourd'hui 40 000 postes ! – ou la création de franchises sur le remboursement des soins, se heurte à l'hostilité des Français, la solidarité du citoyen et de l'usager s'exprimera de nouveau.
En revanche, lorsque la grève trouve son origine dans un conflit propre à l'entreprise, elle est toujours le résultat d'un échec du dialogue social, échec dont l'usager a le sentiment d'être la première victime. Votre projet de loi tente d'exploiter ce sentiment pour poursuivre, en réalité, un autre objectif : durcir les conditions de l'exercice du droit de grève, voire dissuader d'y recourir, alors qu'il est un droit fondamental reconnu par la Constitution.
Ses dispositions essentielles, en effet, ne visent pas à mettre en place un service minimum au sens où l'entend l'opinion publique mais à porter atteinte aux conditions d'exercice du droit de grève lui-même, alors que les Français y sont majoritairement attachés. L'idée du service minimum est un serpent de mer qui s'est toujours heurté, d'une part à des objections d'ordre constitutionnel, d'autre part à l'impossibilité technique de sa mise en oeuvre. Le rapport Mandelkern, déposé en 2004, mettait déjà en exergue ces deux limites. Faut-il rappeler que l'idée simpliste, pourtant évoquée durant la campagne pour l'élection présidentielle, de garantir un fonctionnement des transports trois heures le matin et trois heures le soir se heurte au constat que sa mise en oeuvre nécessiterait la présence de 90 % du personnel de l'entreprise ? Autrement dit, elle relève d'une hypothèse d'école et votre projet, sur ce point, a pris en compte ces obstacles. Il vise donc seulement à optimiser les moyens disponibles les jours de grève : or dans l'hypothèse où 100 % des personnels seraient en grève – compte tenu de la nature du débat médiatique il convient de le rappeler –, aucun service ne serait rendu aux usagers, y compris dans le cadre du projet de loi.