Madame la ministre, je comprends la difficulté de l'exercice auquel vous avez dû vous plier lors de l'élaboration des crédits pour 2008 de la mission « Santé ». Ce budget, si sensible, est, vous en conviendrez, marqué du sceau de la rigueur. Il n'échappe pas aux contraintes exposées par le dernier mensuel du Gouvernement : « Le projet de loi de finances pour 2008, premier budget de la législature, poursuit deux objectifs majeurs : assurer le redressement des finances publiques, avec un retour à l'équilibre sur la durée du quinquennat ; maîtriser et redéployer les dépenses de l'État. »
Rassurez-vous, je ne vous chercherai pas querelle en égrenant une litanie de chiffres et de pourcentages. La réforme budgétaire empêche d'ailleurs toute comparaison chiffrée entre les crédits de deux exercices. Mais une chose est sûre : la volonté, clairement affichée, de faire des économies. Or si la santé a un coût, elle n'en reste pas moins infiniment précieuse.
Au cours de ces cinq dernières années, nous avons assisté à la remise en cause des grands principes du service hospitalier, dont les établissements sont astreints à la rentabilité, à l'instauration du parcours de soins, au déremboursement des médicaments, à l'augmentation des honoraires des médecins, et j'en passe. Vos réformes ne font qu'aggraver la situation, au point de la rendre préoccupante.
La politique de santé devrait constituer l'une des missions officielles de l'État. L'accès de tous – notamment des plus vulnérables – à des soins de qualité n'est pas seulement une nécessité, mais devient une exigence. Je suis au regret de constater que les moyens consacrés à la mission « Santé » ne suffisent pas et ne sont pas à la hauteur des défis que nous avons à relever. En France, les inégalités sociales en matière de santé sont parmi les plus fortes d'Europe, et l'espérance de vie d'un ouvrier est réduite de cinq à six ans par rapport à celle d'un cadre.
Et pourtant, les trois piliers sur lesquels repose la politique de santé – santé publique et la prévention, offre de soins, lutte contre les drogues et les toxicomanies – ne sont pas contestables.
Derrière l'illusion d'optique des inscriptions budgétaires, l'instauration des franchises médicales vient amplifier cette tendance lourde. D'apparence anodine, cette mesure est très grave. Pour les classes moyennes ou supérieures, payer 50 centimes par-ci ou un euro par-là ne représente peut-être pas grand-chose. Mais les personnes de conditions modestes, et en particulier les 32 000 RMIstes de la Martinique, qui perçoivent entre 270 et 500 euros par mois, hésiteront désormais à consulter leur médecin. Votre projet ouvre donc la porte à une médecine à deux vitesses.
Je crains que la situation sanitaire de la Martinique, déjà préoccupante, n'en vienne à se dégrader. La crise du Chikungunya à la Réunion avait déjà montré l'urgence d'une politique structurelle de lutte anti-vectorielle pour nos pays tropicaux. Aujourd'hui, c'est au tour de la Martinique de subir, dans un contexte post-cyclonique, une épidémie de dengue. Plus de 8 000 cas sont recensés, nécessitant ainsi le déclenchement d'une alerte sanitaire par les services de la direction de la santé et du développement social.
Autre sujet de préoccupation, les conséquences sanitaires à long terme de la pollution des terres par le chlordécone, déjà évoquées par Gérard Bapt.
Enfin, madame la ministre, je veux aussi appeler votre attention sur la situation des hôpitaux de la Martinique. Alors qu'ils se doivent d'être des structures de pointe, compte tenu de l'éloignement de nos régions par rapport à la métropole, certains sont déjà en voie de délabrement. Les conditions d'hygiène et de sécurité y sont déplorables. C'est ainsi que l'hôpital de Basse-Pointe a dû fermer ses portes. Celui de La Trinité se trouve dans un état de vétusté avancé. Selon la commission de sécurité, seule sa reconstruction offrirait les garanties nécessaires afin qu'il puisse remplir sa mission.
Nous attendons de vous, madame la ministre, que vous ne vous montriez pas seulement rassurante, et qu'au-delà des conseils donnés aux Antillais de manger des fruits et légumes au moins deux fois par semaine, …