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Intervention de Gérard Bapt

Réunion du 6 novembre 2007 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2008 — Santé

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Bapt, rapporteur :

spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du plan. Madame la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, mes chers collègues, la mission « Santé » dont nous allons traiter ce matin regroupe les crédits de l'État consacrés à la politique de santé publique.

Cependant, les dispositifs liés spécifiquement à la sécurité sanitaire qui relèvent de la mission éponyme – organisation de la veille, réponse aux urgences ou lutte contre les crises sanitaires – en sont exclus, même s'ils ne sont pas sans rapports. De même, le financement du système de protection maladie auquel l'État participe au titre de la couverture de maladie universelle complémentaire, de l'aide médicale d'État et de l'indemnisation des victimes de l'amiante, n'y figure pas non plus.

C'est-à-dire que les crédits affectés à la mission « Santé » ne reflètent que partiellement l'effort de l'État en faveur de la santé.

Ce constat est encore renforcé si on prend en compte la contribution de l'assurance maladie à la politique de santé publique. En effet, la majeure partie des crédits ici retracés constitue le levier de financements principalement pris en charge par la sécurité sociale, par l'assurance maladie. Ainsi, les principales actions menées dans le cadre du programme « Offre de soins et qualité du système de soins » sont financées sur le budget de l'assurance maladie, l'État n'intervenant que pour moins de 1 % du total des dépenses.

Pour ces raisons, l'analyse du budget de la mission « Santé » laisse une impression d'éparpillement des crédits et n'offre qu'une vision très partielle du financement de la politique de santé publique de la France.

Pour 2008, le budget de la mission « Santé » s'établit à 432 millions d'euros d'autorisations d'engagement et à 430 millions d'euros de crédits de paiement, soit une très légère hausse pour ces derniers – 0,4 % – par rapport à 2007.

Globalement, il s'agit d'un budget de continuité, sauf en ce qui concerne le programme « Drogue et toxicomanie », piloté par la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, dont les crédits baissent de 26 %. La personnalité du nouveau président ainsi que les transferts de certains crédits vers le programme « Santé publique et prévention » ou vers l'Institut de prévention et d'éducation pour la santé rendent le rattachement de la MILDT au ministère de la santé encore plus incongru.

Il serait opportun de décider du rattachement de la MILDT aux services du Premier ministre. L'ensemble du dispositif de prise en charge sanitaire et de soins serait transféré au programme « Santé publique et prévention », la DGS pilotant le plan de lutte et de prévention des addictions, lancé en 2007. De son côté, la MILDT, placée auprès des services du Premier ministre, pourrait recentrer son action transversale et interministérielle à l'occasion du lancement du nouveau plan quadriennal qui doit être mis en place en 2008 par un comité interministériel. Ainsi, gendarmes et policiers engagés dans la lutte contre les trafiquants ne seraient plus rattachés au ministère de la santé.

S'agissant de l'exécution du budget de 2006, les errements constatés en matière de prévisions de la loi de finances initiale de 2006 se répètent en 2007 et en 2008 : on note une sous dotation chronique des instances de pilotage créées par la loi de santé publique de 2004.

Ainsi, en 2006, cette action a été dotée de 28,6 millions d'euros d'autorisations d'engagement, et ce sont finalement 47 millions d'euros d'autorisation d'engagement qui ont été exécutés. En 2007, les crédits ouverts s'élevaient à 31,4 millions d'euros, mais 68 millions d'euros ont déjà été consommés au 1er octobre !

À ce niveau de dérapage, il ne s'agit plus d'imprévision mais d'insincérité budgétaire. Cette situation est d'autant plus dommageable qu'elle conduit, par fongibilité, à réduire drastiquement les crédits de l'ensemble des politiques de lutte contre les pathologies graves, au premier rang desquelles le cancer – dont les crédits ne sont plus sanctuarisés – ou bien le sida.

Par ailleurs, si la fongibilité des crédits par programme s'inscrit bien dans la lettre de la loi organique du 1er août 2001 – et je parle devant le précédent président de la commission des finances –, un compte rendu clair devrait en être établi. Pour l'heure, le rapporteur ne peut même pas retracer l'origine ni le montant exact des crédits redéployés.

Je souhaite donc, madame la ministre, que vous teniez compte, pour l'avenir, des préconisations formulées dans mon rapport écrit.

Les crédits du programme « Santé publique et prévention » – 290 millions d'euros – stagnent malgré le transfert de l'opérateur de téléphonie DATIS, auparavant rattaché au programme « Drogue et toxicomanie ».

Tous les crédits des dispositifs actions s'inscrivent en baisse, à l'exception de ceux de l'action destinée à l'amélioration de la qualité de vie des patients et à l'accompagnement du handicap qui passent de 7 à 10 millions d'euros.

Une nouvelle fois, le montant des crédits destinés au fonctionnement des différentes instances du pilotage de la santé publique de la loi du 9 août 2004 paraît singulièrement sous-estimé en loi de finances initiale pour 2008.

Il est inquiétant que certaines de ces instances, comme la Haute autorité de santé, connaissent des problèmes de trésorerie. Quant aux observatoires régionaux de santé qui guident l'élaboration des plans régionaux de santé publique, ils subissent une baisse de 12 % de leurs crédits, au moment où vous affichez, à juste titre, votre volonté de régionalisation.

De son côté, l'INPES va perdre la subvention de 7,5 millions d'euros qui lui était allouée par la mission de sécurité sanitaire, tout en ayant le même rôle à assumer. D'autre part, il n'a reçu aucun versement au titre de la taxe sur les publicités, ni aucune information sur son montant prévisible, ce qui ne facilite pas sa gestion.

Les plans de santé publique ne bénéficient dans le budget que d'un saupoudrage de crédits qui apparaissent parfois à la baisse, comme pour la lutte contre l'alcoolisme – moins 4,7 % – ou pour le programme national « Nutrition santé » – moins 0,7 %. Ces plans de santé publique sont essentiellement pris en charge par l'assurance maladie, et leur contrôle parlementaire est rendu difficile par un manque de lisibilité.

Je souhaite plus particulièrement m'attarder, madame la ministre, sur le plan national Santé environnement, qui vise notamment à prévenir les risques pour la santé dus à l'exposition aux agents physiques et chimiques des différents milieux de vie. Il s'agit notamment des pesticides et de leurs effets sur la santé en milieux domestique et professionnel : les dossiers de Chenôve et des Antilles ont récemment attiré l'actualité sur le sujet.

À Chenôve, il s'agit de l'imprégnation d'une école par un biocide, le lindane, utilisé pour le traitement anti-termites de la charpente. Depuis 2002, ce biocide est interdit mais sa durée de vie s'étale sur des dizaines d'années. Au vu des mesures effectuées, qui ont révélé des taux de dix à cinquante fois plus élevés que la norme admise, l'école a été évacuée.

Dans le cas des Antilles, il s'agit de multiples agents phytosanitaires qui ont été massivement épandus durant une longue période sur de larges territoires de la Guadeloupe et de la Martinique. Parmi ces agents, le chlordécone, que l'on retrouve dans les sols, les productions végétales, les eaux de source et jusqu'au cordon ombilical des nouveau-nés, et dont la rémanence s'étale sur des dizaines d'années.

Eu égard à la rémanence des produits pesticides, aux quantités massives répandues annuellement en France – 76 000 tonnes pour les seuls produits phytosanitaires – et aux effets graves, encore mal connus mais néanmoins avérés, de ces produits sur la santé, les résultats du Grenelle de l'environnement apparaissent bien minces et relèvent parfois davantage de la mystification que de décisions vraiment courageuses : ainsi de l'objectif de réduction de 50 % des volumes utilisés chaque année, objectif écarté en pratique au profit de celui d'éliminer les cinquante substances considérées comme les plus dangereuses, parmi cent cinquante substances préoccupantes. Or c'est ce que prévoyait déjà le plan interministériel de réduction des risques liés aux pesticides adopté en 2006 – dont vous aviez en partie la charge, madame la ministre. Cet objectif, affiché comme un résultat du Grenelle de l'environnement, n'est donc pas une décision nouvelle. Quant au principe de réduction de 50 % des produits phytosanitaires, il est renvoyé à dix ans et conditionné à des solutions alternatives.

Un second plan national Santé environnement doit suivre, en 2008, celui de 2004 dont six actions concernent déjà les pesticides. Une loi-cadre est annoncée : ses objectifs et ses moyens devront être à la hauteur des risques encourus, sous peine de voir l'État de nouveau impliqué dans une procédure en responsabilité du type de celle de l'amiante.

S'agissant du cas particulier du chlordécone dans les Antilles, au-delà du rapport alarmant – et contesté – du professeur Belpomme, qui doit servir de base à la discussion, je suppose, madame la ministre, que vous aurez à coeur de présenter dans votre intervention le plan d'actions Chlordécone piloté par la direction générale de la santé. Dans cette attente, je souhaite plus généralement souligner la complexité – car elle est source d'inefficacité – des dispositifs de veille et de gestion des crises, comme on l'observe avec la gestion du dossier des pesticides.

Qui pilote l'avion ? Le plan national Santé environnement avait prévu, par l'action 36, la création d'un observatoire des résidus de pesticides. Or que constatons-nous ? Pour Chenôve, le pilote est l'Institut de veille sanitaire mais pour les Antilles, c'est la direction générale de la santé ; pour la qualité de l'eau de boisson, c'est le ministère de l'agriculture mais pour les nappes phréatiques, le ministère de l'écologie ; pour la reprotoxicité, c'est la direction des études économiques et de l'évaluation environnementale, qui relève du ministère de l'écologie ; pour la lutte antivectorielle, c'est la direction de prévention des pollutions et des risques, rattachée au même ministère ; pour les pesticides dans l'environnement professionnel et salarié, c'est le ministère du travail et de l'emploi, et celui de l'agriculture lorsqu'il s'agit de salariés agricoles ; l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments est compétente pour les produits phytosanitaires et l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail l'est pour les biocides – sauf si ces derniers concernent le milieu agricole, auquel cas le pilote est le ministère de l'agriculture – ; la présence de pesticides dans les trains regarde le ministère des transports mais celle de pesticides dans les habitations, le ministère du logement. Signalons enfin que certains produits phytosanitaires interdits aux professionnels sont en vente libre dans les jardineries.

Il reste donc beaucoup à faire dans le domaine des pesticides, qui, comme le montre l'actualité, représentent un grand enjeu de santé publique. Dans tous les cas, il convient de respecter un impératif : la nécessaire séparation de la gestion et de l'expertise. Dans le cas des Antilles, il serait très critiquable que les personnes chargées de l'expertise soient les mêmes qui avaient accordé, dans les années 90, des dérogations pour prolonger l'utilisation du chlordécone, alors que ce produit était interdit depuis février 1990. Des plaintes ont été déposées, et il est essentiel que les actions menées dans le cadre du plan d'action Chlordécone que vous avez annoncé le soient dans la stricte indépendance de l'expertise scientifique.

Le deuxième programme concerne l'offre de soins et la qualité du système de soins. Ses crédits, à hauteur de 113 millions d'euros – soit 10 millions d'euros supplémentaires – sont destinés, d'une part, à la formation médicale initiale et, d'autre part, aux principaux acteurs de l'organisation du système de soins. Les instances de pilotage prévues par la loi du 9 août 2004 figurent dans ce programme. Je souhaite appeler votre attention sur la sous-dotation des crédits destinés aux conférences régionales et à la conférence nationale de santé, qui mériteraient d'être valorisées pour promouvoir les droits des malades et la démocratie sanitaire, et favoriser une régionalisation axée sur les besoins reconnus.

Par ailleurs, je souhaite comme les années précédentes dénoncer la sous-dotation chronique et l'endettement du dispositif de la formation médicale initiale. L'État a en effet accumulé une forte dette – près de 19 millions d'euros – sur ce poste de dépenses. Le rattrapage effectué pour 2008, avec une hausse de 6 millions d'euros de la dotation, constitue un premier pas, mais celui-ci est insuffisant pour permettre l'apurement de la dette. Des crédits doivent impérativement être ouverts en loi de finances rectificative, madame la ministre, pour solder cette dette, et les dotations devront désormais couvrir les besoins.

Ainsi, la mise en place, en 2007, d'une nouvelle offre de stage de sensibilisation à la médecine générale en second cycle d'études médicales n'a, pour le moment, fait l'objet d'aucun financement complémentaire. Prolonger une telle situation serait inacceptable, surtout après les engagements pris devant les étudiants quant à la revalorisation de la médecine générale et au traitement du problème de la démographie médicale.

Madame la ministre, la commission des finances a, dans sa majorité, adopté votre projet de budget relatif à la mission « Santé » pour 2008.

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