L'article 10 est déterminant, car nous sommes dans une période où l'intérêt national nous impose – et c'est pourquoi le terme de « prioritaire » ne me paraît pas convenir à la gravité de la situation – de proposer des alternatives, plutôt que des transferts, au « tout-routier », puisque c'est ce mode de transport des marchandises qui prime actuellement : rappelons que 85 % d'entre elles sont transportées par camion.
Non seulement l'article 10 ne comporte pas d'objectifs chiffrés ni de délais précis de mise en oeuvre, mais il fait l'impasse sur la dimension économique. Nous avons débattu, hier, de la crise économique au Parlement et le Président de la République nous a expliqué qu'il fallait transformer le capitalisme financier, qui cherche le profit à court terme au détriment de la condition sociale des personnes et de la planète, c'est-à-dire de l'écosystème. Profitons donc de cette proposition pour nous engager vers un nouveau mode de développement, un autre mode de consommation et un autre mode de vie.
Si nous nous engageons dans cette voie, alors nous trouverons totalement irresponsable que des crevettes pêchées au Danemark soient décortiquées au Maroc, où elles sont acheminées par camion ; nous jugerons inconséquent que des pommes de terre Bintje cultivées aux Pays-bas soient conditionnées en Italie. C'est notamment cette pratique qui est à l'origine de la catastrophe du tunnel du Mont-Blanc. Nous savons qu'en raison de la logique d'économies d'échelle qui prime actuellement, les composants d'un yaourt peuvent parcourir jusqu'à 6 000 kilomètres, soit l'équivalent de 2 500 litres de diesel. Va-t-on, pour permettre la consommation de fruits et de légumes en toutes saisons, persister dans cette logique qui non seulement aggrave notre empreinte écologique, mais est étrangère à la croissance puisque l'on n'intègre pas dans ce que cela rapporte aux transporteurs et aux vendeurs la destruction de la biosphère ?
La priorité des priorités doit être, pour nos sociétés, la recherche de l'efficacité énergétique et des économies d'énergie. Pour cela, nous sommes obligés de changer de logiciel économique et d'adopter d'autres modes de consommation, d'autres modes de vie. Nous devons combattre la politique que le père de l'actuel Président des États-Unis avait résumée en déclarant que le mode de vie américain n'était pas négociable. Aujourd'hui, les Américains sont en train de changer de position, en favorisant le retour de l'État. Nous-mêmes, nous devons nous dire que nos modes de vie sont négociables.
C'est pourquoi je suis évidemment en désaccord avec Mme Gruny, qui s'est livrée tout à l'heure à une défense et illustration de la Fédération nationale des transports routiers. Personne, ici, ne fait du transport routier un bouc émissaire, mais nous sommes obligés – il en va de l'intérêt national, de notre responsabilité vis-à-vis des générations à venir et de notre santé – de privilégier, politiquement et financièrement d'abord, des modes de transport alternatifs.
Je vais prendre des exemples dans ma région. Souvenons-nous du combat que nous avons mené pour le sauvetage de la ligne Pau-Canfranc. Notre action n'a malheureusement pas pu empêcher l'ouverture du tunnel du Somport, qui a considérablement augmenté le passage de camions dans la vallée d'Aspe. Ceux qui réclamaient hier l'ouverture de ce tunnel sont les mêmes qui, aujourd'hui, se plaignent que la vallée soit devenue un enfer.