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Intervention de Daniel Paul

Réunion du 15 octobre 2008 à 15h00
Grenelle de l'environnement — Article 10

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Paul :

L'article 10 détaille, pour les transports de marchandises, l'effort qui sera consenti en faveur du rail et des capacités portuaires et fluviales pour réaliser les objectifs de report modal définis dans le projet – objectifs d'ailleurs bien moins ambitieux que ceux qui sont inscrits dans le texte du Grenelle ou dans le programme du Gouvernement « Mobilité et transport » ; mais nous aurons l'occasion d'y revenir.

Le report modal représente des enjeux environnementaux forts. Les émissions de CO2 du secteur des transports ont en effet augmenté de près de 20 % entre 1990 et 2004 et la part des transports dans les émissions nationales n'a cessé de croître par rapport à celle des autres secteurs. En 2006, les transports étaient le premier secteur émetteur de CO2, totalisant près de 34 % des émissions nationales et 138 millions de tonnes de CO2.

Plus qu'un rééquilibrage modal, c'est un transfert modal du transport de marchandises vers les modes alternatifs à la route qu'il faut opérer. Or ce transfert nécessite des décisions politiques fortes, dont l'absence fait cruellement défaut dans ce texte comme dans l'ensemble de votre politique. Non seulement certaines propositions issues du processus de concertation du Grenelle qui permettraient de répondre à cet enjeu n'ont pas été reprises – je pense à la notion de multimodal intégré de la politique de transport de la France, à la déclaration d'intérêt général du fret ferroviaire et fluvial et du cabotage maritime, à l'utilisation du produit de la taxe poids lourds pour le financement des infrastructures alternatives à la route, à l'action de la France pour réviser la directive « Eurovignette » en vue de l'intégration des coûts environnementaux et des nuisances ou à l'examen d'une taxation du kérosène sur les lignes parallèles à des dessertes ferroviaires à grande vitesse –, mais l'on constate également un réel décalage entre le discours du Président de la République, qui fixe des objectifs en matière de report modal, et la réalité d'une politique qui a fait passer la part du ferroviaire dans le transport de marchandises de 20,6 % en 2000 à 12 % aujourd'hui.

Le fret ferroviaire symbolise ce décalage. Fret SNCF est ainsi passé de 55 à 40 milliards de tonneskilomètre entre 2002 et 2007. Les trafics perdus n'ont pas été captés par les concurrents de l'entreprise publique, puisque, en 2006, selon l'établissement de la sécurité ferroviaire, Veolia et ECR n'ont transporté respectivement que 124 et 142 millions de tonnes. L'essentiel des trafics perdus par le rail empruntent désormais la route, ce qui représente 1,4 million de camions supplémentaires. Ce bilan est celui d'une gestion du transport ferroviaire de marchandises qui, depuis 2002, a rompu avec une politique de volume au profit d'une politique de marge.

J'en viens maintenant à l'autre handicap majeur de cet article, et même de ce texte : l'absence de clarté dans les sources de financement, qui laisse présager des conséquences sociales importantes - charges pesant sur l'usager plutôt qu'une autre répartition des richesses, accentuation de la logique du dumping social, recul possible du service public, de la cohésion sociale et territoriale. Le rééquilibrage en faveur du ferroviaire est nécessaire : l'ensemble des partenaires associatifs et syndicaux du groupe 1 du Grenelle avaient érigé cet objectif au rang de priorité absolue.

Par ailleurs, le fluvial, autre mode de transport peu dispendieux en gaz carbonique, pourrait être davantage encouragé, au-delà de Seine-Nord, dont il faut saluer le probable début des travaux. Nous avons donc déposé un amendement afin de proposer le maillage progressif du réseau fluvial de notre pays et son raccordement au réseau fluvial européen.

La Cour des comptes a estimé, dans une note rédigée en juin 2007, que le discours récurrent sur le rééquilibrage des modes de transport ne se traduit pas en acte. Son jugement sera-t-il différent après l'adoption du projet de loi ? Compte tenu de sa configuration actuelle, on peut en douter.

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