Je voudrai tirer un signal d'alarme. L'article 10 prévoit, dans son alinéa 14, la mise en place d'une taxe kilométrique sur les poids lourds, mais aujourd'hui, les entreprises de transport routier sont dans l'incapacité de supporter une aggravation de la fiscalité. Ce secteur, qui compte 36 000 PME et 400 000 salariés, est en danger. L'inscription dans le projet de loi du principe de répercussion de la taxe sur le bénéficiaire de la marchandise et de mesures de compensation est donc nécessaire.
Déjà, les entreprises du secteur ont dû faire face à l'augmentation du prix du gazole – et la répercussion sur les prix n'a pu se faire instantanément –, à la concurrence d'entreprises européennes qui bénéficient de charges moindres et de règles différentes pour les décomptes horaires et enfin, au cabotage qu'il faudra encadrer.
La taxe kilométrique, telle qu'elle est prévue par le projet de loi n'intègre pas certaines contraintes liées à la nature même du transport routier. Comment les transporteurs, qui facturent en tonne kilomètre, en mètre cube ou en mètre linéaire, pourront-ils refacturer une taxe kilométrique modulable selon les lieux et les jours ? Comment tenir compte des retours à vide et des envois multiples ? Je souhaite l'adoption de l'amendement n° 108 présenté par la commission des affaires économiques, qui permettra de répercuter la taxe kilométrique sur les bénéficiaires de la circulation des marchandises.
Le chiffre d'affaires total du secteur est de 50 milliards d'euros environ, et la marge nette de ces entreprises s'élève, à peu près, à 1,5 %. Or la taxe prévue par l'article 10 doit rapporter un milliard d'euros, soit 2 % du chiffre d'affaires de ces entreprises : on veut donc leur mort. La seule solution consiste à leur permettre de répercuter totalement la taxe kilométrique sur leurs prix. Il me semble indispensable de soutenir cette activité économique irremplaçable qui répond aux besoins quotidiens de tous, même si, pour nos concitoyens, le secteur du transport routier est devenu le bouc émissaire de tous les maux : pollution, accidents et embouteillages.
Il faut également savoir que le fret ferroviaire et le fret fluvial ne sont pas en mesure d'absorber les besoins toujours plus grands que satisfait le transport routier. Par ailleurs, pour que les marchandises soient livrées sur tout le territoire, le transport routier doit prendre le relais du fret ferroviaire et fluvial. Enfin, Philippe Folliot a fort justement souligné que les entreprises avaient besoin de transporteurs sûrs et ponctuels, ne connaissant pas de mouvements sociaux.
En matière de pollution, je tiens à vous rappeler que les transporteurs routiers se soumettent aux exigences des normes Euro et ne sont pas les plus gros pollueurs de nos routes ; l'automobile conserve ce titre. Les camions ne sont responsables que d'un quart des émissions de gaz à effet de serre d'origine automobile – ces émissions ne représentant elles-mêmes que 25 % du total des émissions de ces gaz. Aujourd'hui, les camions sont équipés conformément aux normes Euro IV, V, et bientôt VI, ce qui permet d'améliorer les effets sur l'environnement.
La taxe kilométrique pèsera en outre davantage sur les transporteurs français, qui utilisent plus les réseaux secondaires que les transporteurs étrangers qui traversent le pays par l'autoroute. Elle permettra à nos concurrents européens et étrangers d'augmenter leur volume d'activité en France, avec des véhicules et un droit de travail souvent bien éloignés des normes françaises.
Les transporteurs se sont déjà engagés pour améliorer la qualité de leur travail sur tous les plans – réglementaire, social, environnemental. Ils y travaillent, notamment avec les constructeurs, mais ces contraintes représentent un coût et, aujourd'hui, la santé financière du secteur ne peut lui permettre de remplir ces engagements en supportant une nouvelle taxe non répercutée. Le secteur du transport routier est principalement composé de PME qui seront nombreuses à disparaître si nous créons la taxe kilométrique sans qu'une répercussion de son coût soit possible et prévue par la loi. Avons-nous aujourd'hui les moyens de nous priver de tout un pan de l'économie française ?