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Intervention de René Couanau

Réunion du 15 novembre 2007 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2008 — Justice

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRené Couanau, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du plan :

spécial. Avant même les dernières évolutions, j'avais noté dans mon rapport que, pour réussir cette réforme, il fallait informer et consulter. Sans doute faut-il encore continuer aujourd'hui, pour convaincre totalement et résoudre des situations ponctuelles difficiles et complexes. Je sais que vous y êtes attentive.

Je note qu'aucune traduction chiffrée de la réforme ne figure au budget, à l'exception de quelques crédits d'accompagnement. À mes yeux, cela signifie que votre motivation n'est pas – contrairement au dire de certains – de nature économique et financière, même si la réforme a un impact financier évident mais non encore évalué. D'ailleurs, elle ne produira son plein effet qu'en 2009, en 2010, et ensuite.

Vous souhaitez accompagner les réformes engagées par l'introduction – coordonnée et plus déterminée – des nouvelles techniques informatiques et bureautiques, notamment à travers deux programmes : la modernisation de la chaîne pénale des TGI, et la dématérialisation des procédures pénales et des échanges en matière civile et administrative. Les crédits de paiement correspondants sont inscrits à ce budget, ils progressent, et une convention avec la Caisse des dépôts permettra de compléter ces moyens pour une mise en place rapide.

La création des bureaux d'exécution des peines – déjà évoquée – est presque achevée, grâce aux crédits que l'amendement Warsmann a permis d'inscrire. L'efficacité des BEX est particulièrement notable pour les audiences à juge unique et les audiences de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

La question de l'insuffisance du montant des frais de justice, longuement évoquée les années précédentes, a été résolue dans le budget précédent et dans celui-ci : ces frais ont progressé de près d'un tiers par rapport à 2002, passant de 300 millions d'euros à 405 millions d'euros cette année.

Enfin, et ce n'est pas mince, la gestion du personnel de la justice nécessitait la mise en place de véritables outils modernes de gestion des ressources humaines. C'est ce que vous avez entrepris, et nous vous encourageons dans ce sens, en souhaitant que la plus grande transparence soit assurée entre les directions centrales et les différentes juridictions, de façon à éviter certains sentiments d'inégalité de traitement, et à faciliter l'accélération des nominations sur les postes vacants.

Cette modernisation de la justice ne peut, naturellement, s'achever à la faveur d'un seul budget, si positif soit-il. Nous savons qu'elle devra être poursuivie avec les moyens correspondants au cours des prochaines années. Compte tenu du temps qui m'est imparti, je me bornerai à énoncer cinq domaines dans lesquels il me paraît nécessaire et inévitable de poursuivre, de renforcer ou d'entreprendre des actions.

Premier domaine : le fonctionnement de la justice. Il me semble – je ne sais pas si vous partagez cet avis – qu'il ne s'agit pas tant de créer de nouveaux postes de magistrats désormais, que de donner aux juges le temps de se consacrer aux justiciables. En clair : les futures dotations financières supplémentaires doivent servir à renforcer les effectifs des greffes et des services administratifs et techniques, de façon à accompagner efficacement le travail des magistrats qui, aujourd'hui, passent du temps à des tâches qui ne relèvent pas de leur compétence.

Deuxième domaine : l'accompagnement de la nouvelle politique pénale par les recherches d'alternatives à l'incarcération. D'ores et déjà, des évolutions sensibles sont intervenues. Le recours au placement sous surveillance électronique mobile, en nette progression en 2008, sera généralisé. Cependant, les missions des services pénitentiaires d'insertion et de probation – les SPIP, maillon essentiel de la politique pénitentiaire – doivent faire l'objet d'une clarification et d'une redéfinition de leurs méthodes d'intervention. Je sais que votre administration s'en préoccupe, d'autant plus que le budget de ces services connaîtra une progression significative de 8 % pour atteindre 336 millions d'euros en 2008.

Notons au passage que l'application du suivi socio-judiciaire se heurte depuis plusieurs années au manque de médecins coordonnateurs. Il faudra y remédier. Enfin, je voudrais souligner la mise en place d'un nouveau programme de prévention de la récidive, que vous avez doté de 1 million d'euros.

Troisième domaine qui appellera notre vigilance : le travail dans les établissements pénitentiaires, la formation et l'insertion professionnelle des détenus. Malgré des réalisations et des actions qu'il faut saluer, cet aspect de la politique pénitentiaire reste encore, dans notre pays, l'un des points faibles du système. Je connais les difficultés à surmonter pour réussir cette bonne préparation à la réinsertion après incarcération, mais je sais qu'en réunissant les moyens locaux d'autres ministères – par exemple celui du travail et de la formation professionnelle – on doit et on peut faire mieux.

Enfin, malgré la bonne réalisation du programme de construction et d'aménagement d'établissements pénitentiaires – qui permet d'ailleurs de faire progresser le nombre de places individuelles et de faire disparaître la quasi-totalité des structures à dortoirs –, malgré aussi les orientations de la nouvelle politique pénale, qui favorise les alternatives à l'incarcération, je note que le taux d'occupation moyen des établissements reste trop élevé. Actuellement, il se situe encore à 122 % et même à 149 % outre-mer. De plus, selon les prévisions de l'administration pénitentiaire, la population détenue devrait s'élever à 70 000 personnes en 2012, alors que le parc pénitentiaire ne compterait que 61 000 places à l'issue de l'actuel programmation.

Nous estimons donc nécessaire de préparer dès maintenant une nouvelle programmation, notamment de façon à résorber la surpopulation dans les maisons d'arrêt, laquelle peut atteindre des taux et générer des situations inacceptables.

Le dernier domaine est celui de la protection judiciaire de la jeunesse, qui se voit affecter un montant de 809 millions d'euros, et qui doit certainement faire l'objet d'améliorations de gestion, tant en ce qui concerne le personnel que pour le secteur associatif, dont tous les rapports publiés préconisent un certain assainissement.

Avant de terminer, je veux souligner à ce sujet que le bilan de la création et du fonctionnement des centres éducatifs fermés est très positif, comme l'a montré une étude précise portant sur les six cents mineurs sortis de ces centres depuis six mois.

Madame la garde des sceaux, je veux vous assurer de tout notre soutien dans la poursuite de la modernisation du système judiciaire et pénitentiaire, que vous avez résolument engagée. Dans cet esprit, la commission des finances a adopté, sur ma proposition, les crédits de la mission « Justice » pour 2008, et j'invite bien sûr l'Assemblée à en faire autant. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

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