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Intervention de Christian Eckert

Réunion du 22 septembre 2008 à 15h00
Revenus du travail — Exception d'irrecevabilité

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristian Eckert :

Le déblocage de la participation a donné lieu à un bilan. Selon vos prévisions, 12 milliards devaient être débloqués, mais les derniers chiffres connus font seulement état de 3,9 milliards. Avez-vous fait, monsieur le ministre, le bilan de la prime exceptionnelle de 1 000 euros que pouvaient verser les employeurs ? Savez-vous combien de ces primes ont été versées ? Vous devriez pouvoir nous renseigner.

Puis, le 22 juillet, ce fut la loi de modernisation de l'économie. Elle devait tout libérer. Selon le compte rendu du conseil des ministres, elle avait pour objectif de donner 0, 3 % de croissance de plus et de créer 50 000 emplois par an. Le 29 novembre 2007, vous refusiez pourtant de passer à la discussion générale d'une proposition de loi de notre groupe visant à redonner du pouvoir d'achat aux Français et qui prévoyait, entre autres, de rendre le chèque transport obligatoire, de taxer les bénéfices énormes des compagnies pétrolières, d'ouvrir une négociation nationale et interprofessionnelle sur les salaires.

Votre obstination est grande et vous persistez dans l'erreur : aux grands maux les petits remèdes ! Vous niez d'abord le constat et continuez à dire que la baisse du pouvoir d'achat est plus une perception, un sentiment, une impression, qu'une réalité pourtant décrite par tous nos concitoyens comme persistante, inégalitaire et injuste. Vous avez vous-même évoqué en commission un rapport d'un cabinet qui expliquait que les salaires moyens avaient, en France, augmenté plus que l'inflation. Hélas pour eux et pour vous, monsieur Bertrand, votre ministère de l'emploi a lui-même publié le 19 septembre à huit heures quarante-six, l'indice définitif confirmant, sur un an, une baisse du pouvoir d'achat avouée de 0, 4 % et plus encore dans certains secteurs salariés.

Dans ce contexte, aggravé par la crise de l'économie dite virtuelle – quelle belle formule ! – et dont les effets sont graves sur la vie bien réelle de nos concitoyens, crise que M. Noyer, M. Trichet et Mme Lagarde ont minimisée depuis un an, notre espoir en voyant venir en urgence un texte en session extraordinaire sur les revenus du travail, était bel et bien immense et nous étions enthousiastes pour en débattre. Qu'avons-nous trouvé, hélas, en réalité ? Vous nous soumettez un texte mineur, inégalitaire, dangereux, pour tenter de gommer vos échecs successifs.

Je dirai un mot sur la méthode qui consiste à nous réunir dans des commissions qui siègent à la va-vite, qui examinent des dizaines d'amendements sans que nous ayons eu à en connaître auparavant et qui ne respectent donc pas les délais nécessaires à la réflexion et au travail serein.

Le groupe socialiste vous propose donc d'abord son irrecevabilité, mais si, ce dont je doute, vous persistez dans l'erreur, nous vous suggérerons sa réécriture complète, en vous offrant de mettre vos promesses et celles du Président de la République en accord avec vos actes.

Pourquoi ce texte est-il frappé d'irrecevabilité ? Tout d'abord, il est inconcevable pour nous, partisans d'une répartition juste des fruits du travail, de ne pas mettre au coeur de ce texte ce qui doit être pour tous les salariés la première contrepartie de leur travail, je veux dire leur salaire. Or, contrairement à ce que vous affirmez, le salaire de base évolue moins vite que l'inflation, même celle officiellement avancée parfois en décalage avec la réalité. La contradiction entre vous et certains membres de la majorité est évidente. Vous répondez à la baisse du pouvoir d'achat par le déblocage de l'épargne à long terme alors même que telle n'est pas la vocation de la participation.

Ensuite, votre texte est profondément inégalitaire. Il exclut les retraités, les étudiants, les fonctionnaires d'État, de la fonction publique territoriale ou hospitalière, les chômeurs et les salariés des entreprises dont la nature, la taille, les résultats, ou l'absence de volonté rendent inopérants les dispositifs d'intéressement. De plus, il n'est un secret pour personne, sans même viser à cet instant les seules stock-options, que ce dispositif favorise les hauts salaires dans les entreprises du fait d'une répartition souvent proportionnelle au salaire perçu. Combien cela coûtera-t-il à notre budget ? Didier Migaud vient d'y faire allusion. On évoque, dans une annexe, un coût d'environ un milliard d'euros, coût qui aurait été établi sur les bases d'un travail résultant d'un sondage effectué par un cabinet privé. On peut en douter. En tout cas, vos prévisions sont souvent mises à mal, comme nous l'a démontré la triste réalité.

Ce texte est aussi dangereux sur bien d'autres aspects. La disponibilité institutionnalisée à l'avenir de la participation risquera de diminuer les fonds propres de certaines entreprises alors même que la crise actuelle en accroît les besoins. De plus, monsieur Ollier, le Gouvernement nous présente ces déblocages comme une réponse au problème du pouvoir d'achat. Le risque de voir l'intéressement, par nature variable et aléatoire, ou la participation, inégalitaire et réservée à certains, se substituer aux légitimes revalorisations salariales est patent. C'est si vrai que vous avez cru bon d'écrire le contraire dans le texte de loi. Les entreprises ayant déjà mis en place l'intéressement seront défavorisées par rapport à celles qui, par effet d'aubaine ou carotte fiscale, le feront après votre loi.

Soulignons encore et surtout les dangers de vote texte pour le SMIC. Votre énième commission, nommée par décret, se substituera-t-elle à la Commission nationale de la négociation collective pour donner son avis sur le SMIC ? Si le rapporteur semble confirmer – et il faut l'en remercier – la place de la CNNC, en revanche, les critères retenus nous semblent éloigner le SMIC de sa vocation initiale. Je les cite : l'évolution de la productivité, le partage de la valeur ajoutée, la compétitivité des entreprises, l'évolution des salaires minima dans les pays comparables, les interactions entre salaires et emplois, la structure des salaires et l'évolution des prix.

Cela n'est pas sans nous inquiéter, car nous sommes persuadés que cette première mesure en masque à peine d'autres à venir, qui s'inscriront dans la continuité de votre entreprise de démantèlement du code du travail.

Nous souhaitons donc amender le texte afin de garantir un SMIC qui réponde à sa vocation : couvrir les besoins essentiels et constituer le socle de la rémunération du travail.

Enfin, vous prétendez équilibrer le texte par une prétendue conditionnalité des exonérations de charges. Je parle, bien sûr, des articles 4 et 5. Là encore, il s'agit de mesurettes. Votre projet manque d'ambition, ses exigences restent dérisoires. En effet, obliger les entreprises à ouvrir une négociation déjà obligatoire et remettre à 2011 l'alignement des minima de branche sur le SMIC, c'est de la poudre aux yeux. Vous aviez l'occasion immédiate, grâce à cette loi, de taxer les stock options,…

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