La troisième tare de la loi organique que nous examinons aujourd'hui, c'est bien évidemment la concentration de la communication audiovisuelle dans les mains de Nicolas Sarkozy. C'est en cela que votre projet de loi, madame la ministre, est une véritable régression. François Mitterrand avait voulu, du moins dans les textes, couper « le cordon ombilical » identifiant la télévision publique à une télévision d'État. Que le CSA ne soit pas le garant d'une réelle indépendance par rapport au pouvoir politique ne signifiait pas pour autant, ipso facto, que le retour au contrôle direct par l'Élysée était la seule voie à suivre.
Votre réforme rompt avec le principe fondamental de la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression politiques et socioculturels, qui a conduit à l'instauration de la Haute autorité en 1982, dont le CSA est aujourd'hui l'héritier. Au lieu de continuer dans le sens du pluralisme, cinquante ans après les débuts de la Ve République, vous renouez avec le pire de l'étatisme audiovisuel.
C'est en effet une ordonnance du 4 février 1959 qui a créé la RTF comme entité séparée de l'État, sous forme d'établissement public, mais clairement mis sous la coupe réglée de l'État. Le monopole du service public devient alors un monopole politique au profit du pouvoir du général de Gaulle. Cet établissement public est directement placé sous l'autorité du ministre de l'information, et son directeur général est nommé par décret en conseil des ministres, sans précision relative à la durée de son mandat. Souvenons-nous d'Alain Peyrefitte, ministre de l'information de l'époque, qui était régulièrement invité dans le journal de vingt heures présenté alors par Léon Zitrone. Nous ne sommes pas loin de cette période que l'on croyait complètement révolue.
Alors que l'actuel Président de la République opère – paraît-il – une rupture dans tous les domaines avec la tradition gaulliste, il renoue ici avec le pire de cette période, c'est-à-dire la subordination de la télévision au pouvoir politique. En créant un domaine réservé de l'audiovisuel, il génère une soumission, une autocensure, et une télévision d'influence qui deviendra un contre-modèle et la risée de l'étranger. Il le fait dans la pire des situations : la mise en concurrence déloyale avec ses amis du privé. Cette mise en coupe réglée de France Télévisions et la vente à la découpe du service public, c'est du berlusconisme sans Berlusconi.
Notre « télé-président », fidèle à son modèle italien, ne cherche pas seulement à contrôler la télévision publique : il veut aussi la régenter jusqu'au détail de sa programmation. Son projet est simple : contrôler un service public démonétisé et soutenir le développement de la concentration de quelques grands groupes privés. Ce n'est rien d'autre que du populisme industriel au bénéfice de quelques amis.