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Intervention de Noël Mamère

Réunion du 25 novembre 2008 à 21h30
Communication audiovisuelle et nouveau service public de la télévisionnomination des présidents des sociétés de l'audiovisuel public — Question préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNoël Mamère :

Ce pas de plus vers la concentration des pouvoirs dans les mains d'un seul homme, le Président de la République, est un mauvais coup contre la démocratie.

Le leurre est à l'évidence à la racine de ce projet de loi rabougri. Il s'agit en effet de concentrer l'attention de l'opinion et des parlementaires sur une disposition, somme toute secondaire, d'un projet de nature politique et économique tout entier décrit dans le projet de loi n° 1209 sur le nouveau service public de la télévision. On fait ainsi d'une pierre deux coups : on parle de l'accessoire – la nomination d'un président – pour cacher l'essentiel, à savoir la destruction programmée du service public, en supprimant une partie de son financement, sans compensation réelle et pérenne. Demain, le président de cette nouvelle « voix de la France », nommé sur ordre de l'Élysée, ne sera à la tête que d'un ersatz de service public réduit à la portion congrue et devenu un grand corps malade.

Dans quelques mois ou quelques années, on nous annoncera que France 2 ou France 3 ne sont plus rentables et qu'il faut se séparer rapidement d'une chaîne de service public, pourquoi pas en reprenant l'inénarrable notion de « mieux-disant culturel », qui avait servi, comme on s'en souvient, à brader TF1 en 1986 au profit de Francis Bouygues. Aujourd'hui, Martin Bouygues peut ainsi continuer, dans la sérénité, l'oeuvre de son père : la marchandisation de la télévision et la colonisation de l'imaginaire des Français. C'est cela, un leurre : le détournement de l'attention de l'opinion publique vers un sujet mineur. Car la télévision, ce n'est pas un président nommé, désigné ou élu qui la fait tourner, mais un personnel qualifié, une structure, un financement, une programmation répondant aux missions d'éducation, de culture, d'information et de divertissement. Alors que les Français passent en moyenne trois heures trente par jour devant leur poste de télévision, n'est-il pas primordial qu'en retour ce média leur propose des réflexions plurielles, des regards personnels, des découvertes ? N'est-il pas nécessaire que demeure préservé des puissances d'argent et de la tutelle politique un secteur qui doit être un facteur de cohésion, d'intégration sociale et qui garantisse une réelle démocratie ? Cela suppose – et c'est d'ailleurs le seul enjeu de ce texte – une véritable indépendance du service public de l'audiovisuel. Seule cette indépendance peut apporter aux citoyens l'expression de la diversité de points de vue sur la société à laquelle ils appartiennent. Le leurre consiste donc à concentrer le débat parlementaire sur l'unique question du contrôle par l'exécutif de l'information en lieu et place du véritable enjeu de la loi, le financement de l'audiovisuel public.

De ce point de vue, le leurre a bien fonctionné. Dès le 26 juin, oubliant et humiliant la commission Copé, qui préconisait une autre solution, le Président de la République a focalisé l'attention des médias sur cette nouvelle proposition. Cela lui a permis de faire oublier la faiblesse de la compensation du manque à gagner résultant de la suppression de la publicité sur les chaînes publiques, ainsi que les cadeaux à répétition accordés aux chaînes privées par le biais du club des parlementaires sur l'avenir de l'audiovisuel, dont le président est l'un des porteurs d'eau du Président de la République.

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