Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, la mission dont je suis rapporteur spécial comporte, depuis 2005, trois programmes – « Conseil d'État et autres juridictions administratives », « Conseil économique et social », « Cour des comptes et autres juridictions financières » –, soit trois entités distinctes et autonomes, d'où ma qualification les années passées d'hybride budgétaire. Mais un hybride cela peut vivre longtemps !
Mon approche de ces trois programmes s'est, depuis que j'en suis le rapporteur, fondée sur l'analyse de l'activité de ces institutions pour y souligner les aspects de gestion par la performance, ou relever des lacunes à cet égard.
Nous avons aussi à apprendre de la mise en oeuvre de la loi organique relative à la loi de finances – appelée communément LOLF – par ceux qui sont chargés de l'appliquer, que la réforme paraisse bénéfique ou, au contraire, que ses effets soient discutables.
Il m'avait ainsi paru à propos de laisser vivre cette mission et de laisser à chacun des programmes le temps de faire ses preuves. Trois ans plus tard, il est temps de dresser un bilan.
La mission a trouvé ses marques. Les trois acteurs ont bien intégré les règles du jeu et concourent de façon positive à la mise en oeuvre de la LOLF.
Elle a permis à deux programmes d'acquérir une véritable autonomie de gestion. Je pense particulièrement à la Cour des comptes qui s'est encore un peu plus affranchie de la tutelle de Bercy.
L'effort de pédagogie que j'ai voulu porter a donné ses fruits – je m'en réjouis pour le bon fonctionnement démocratique de nos institutions –, dont la transparence budgétaire me semble être un excellent indicateur.
Avant de détailler de manière plus précise les trois programmes, je rappellerai que les volumes financiers en jeu sont relativement limités : 491,30 millions d'euros en autorisations d'engagement et 497 millions d'euros en crédits de paiement.
Je soulignerai également que le budget est constitué majoritairement par des dépenses de personnel, à hauteur de 80 % environ pour chacun des programmes.
Nous commencerons par le programme « Conseil économique et social », car – il convient de le souligner et de s'en féliciter – les observations que j'avais formulées l'année dernière sur l'absence d'actions et d'indicateurs de performance au sein de ce programme ont été suivies d'effet. Le Conseil économique et social a pris pleinement conscience des avantages qu'il pouvait en retirer pour lui-même.
Cela se traduit, en premier lieu, par un découpage du programme en trois actions. La première, « Représentation des activités économiques et sociales », a pour objet la mission première de l'institution, représenter la société civile auprès des pouvoirs publics grâce à la diversité de ses membres. La seconde, « Fonctionnement de l'institution », traduit les moyens humains et techniques mis en oeuvre. Enfin, la troisième action, « Communication et international », souligne son travail d'expertise auprès des pays étrangers qui souhaitent se doter d'un Conseil économique et social.
En deuxième lieu, de nouveaux indicateurs de performance ont été retenus. Je citerai par exemple l'indicateur « Fonctionnement », qui est particulièrement pertinent, puisqu'il évalue par membre les dépenses de fonctionnement.
Enfin, troisième progrès, une cible est désormais mentionnée pour chaque indicateur.
Quant au budget lui-même du Conseil économique et social, sa progression reste modeste. Il représente 36,30 millions d'euros en autorisations d'engagement et crédits de paiement, soit une progression de 1,05 %. Avec 162 emplois équivalent temps plein travaillé, le nombre d'emplois reste stable. Je soulignerai que c'est un budget contraint. En effet, la plus grande part des dépenses est destinée à financer l'indemnité allouée aux conseillers et membres de section. Vous noterez que le budget pour 2008 intègre l'augmentation du nombre de conseillers, qui passe de 231 à 233 afin d'assurer la représentation de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy dans le groupe de l'outre-mer.
Nous continuerons avec le programme « Conseil d'État et autres juridictions administratives », qui est le principal programme de cette mission tant pour les crédits que pour les emplois. Le projet de budget pour 2008 s'élève à 267,5 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 266 millions d'euros en crédits de paiement. Il correspond à une progression de 4,1 %, hors dotations pour loyers budgétaires et caisse des pensions. Soixante emplois supplémentaires lui sont accordés, pour atteindre le nombre de 2 958 emplois. Ces créations d'emplois, je tiens à le souligner, sont liées à l'imparfaite exécution de la loi pour la programmation de la justice, qui se termine en 2007.
La plus grande part des dépenses de ce budget correspond à des dépenses de personnel. Signalons celles destinées à aligner le taux de l'indemnité forfaitaire des magistrats administratifs sur celui des magistrats financiers. Cependant, malgré des revalorisations, le régime indemnitaire des magistrats administratifs risque de décrocher par rapport aux autres corps de la haute fonction publique, notamment celui des magistrats des juridictions financières. Ce point est d'autant plus délicat qu'il a été décidé d'encourager le détachement de fonctionnaires, afin de pallier les carences en effectifs, dues aux départs en retraite massifs. Le fait marquant de ce programme en 2008 sera l'ouverture du tribunal administratif de Toulon en septembre prochain, qui, à lui seul, absorbera trente emplois. Son coût total est estimé à presque un million d'euros.
Ces créations d'emplois et l'ouverture d'un nouveau tribunal sont plus que nécessaires face à la progression continue du contentieux administratif, qui a augmenté de 10 % en 2007. Le contentieux du droit des étrangers continue d'augmenter : il progresse de 9 % entre 2005 et 2006 dans les tribunaux administratifs, bien plus encore avec la nouvelle procédure dite « obligation de quitter le territoire français ». Et un nouveau contentieux monte en puissance : la contestation du retrait de points sur le permis de conduire, lié à la mise en place des radars automatiques. Ce contentieux a augmenté de 146 % entre 2005 et 2007. Il tend à concentrer l'essentiel de l'activité des TA au détriment d'autres dossiers, même s'il intervient en formation de juge unique. Enfin, comme si cela ne suffisait pas, l'explosion d'un nouveau contentieux est d'ores et déjà attendue à partir de décembre 2008 : il s'agit du droit au logement opposable. Le rapporteur spécial que je suis a été alerté par les syndicats de magistrats administratifs sur ce type de contentieux et sur la charge de travail supplémentaire qui en résulterait, avec environ 3 millions de titulaires possibles de ce droit. L'évolution préoccupante du contentieux se traduit par la mise en place d'objectifs réalistes et par une reconduction des cibles dans le présent projet de loi de finances. Il n'en reste pas moins que, dans ce secteur, la question de nouveaux tribunaux est posée, particulièrement dans la région parisienne.
Je ne peux que souscrire à ces prévisions. En effet, la réduction des délais des jugements ne peut se faire au détriment de leur qualité. En même temps, permettez-moi de regretter que cette augmentation du contentieux soit aussi le corollaire de nouvelles lois, qui, dans des matières diverses, notamment de politique d'immigration, appellent à faire du chiffre.
Nous terminerons par le programme « Cour des comptes et autres juridictions financières ». Ce programme, qui se doit d'être exemplaire, poursuit ses progrès.
La Cour des comptes a su relever plusieurs défis, en particulier la préparation de la certification des comptes de l'État, dont cette année est le premier exercice. Ce type de mission risque de se développer, car la loi sur l'autonomie des universités prévoit la certification de leurs comptes. D'autres textes du même type peuvent d'ailleurs être votés. Lorsque je l'ai rencontré, M. Séguin, Premier président de la Cour des comptes, m'a fait part de sa préoccupation face à la multiplication de ce type de missions, d'autant que la question de la certification des comptes des collectivités territoriales ne tardera pas à être de nouveau posée.
Autre défi, le développement de réelles compétences en matière de gestion de ressources humaines. Ce défi n'est pas le moindre, lorsqu'on sait que les départs à la retraite d'ici à 2010 représenteront la moitié des effectifs de magistrats en activité, à un moment où le nombre de recrutements à l'issue de l'ENA tend à diminuer.
Le projet de budget pour 2008 est de 187,4 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 194,7 millions d'euros en crédits de paiement. Il progresse de 5,9 % hors dotations pour loyers budgétaires. En tout, 1 840 emplois sont prévus, soit une diminution de 11 emplois, principalement de catégorie C, du fait de l'externalisation des taches de sécurité. Les dépenses de personnel du programme reflètent la poursuite de son indépendance vis-à-vis de Bercy et l'achèvement de l'autonomie de gestion : 1,7 million d'euros sera consacré à des mesures catégorielles.
On peut noter la diminution des mises à disposition avec la création, en septembre 2008, d'un corps commun d'attachés des juridictions financières de catégorie A. On remarque aussi, pour ce programme, la forte progression des dépenses d'investissement, qui s'élèvent à 10 millions d'euros en crédits de paiement contre 3 millions en 2007. Cette forte hausse s'explique par la mise en oeuvre des travaux de rénovation de la tour des archives, de l'ordre de 8,4 millions d'euros pour 2008. Ce chantier permettra, à terme, de valoriser le patrimoine de la Cour et de remplacer par des bureaux, lieux de travail positif, un espace dédié au stockage de pièces justificatives. Les travaux devraient débuter en janvier 2008 et se poursuivre jusqu'en 2010.
Telles sont, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les remarques et les questions que, après trois ans d'exercice, je souhaitais vous faire partager. Suivant mon avis, eu égard aux progrès des trois programmes et aux acteurs qui concourent à faire avancer la LOLF de manière positive, votre commission de finances a adopté les crédits de la mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)