Quant à la rupture négociée du contrat de travail, que vous vous êtes employés à présenter comme une avancée, sous prétexte qu'en légalisant des pratiques courantes de démission déguisée, elle constituerait un progrès en termes d'indemnisation chômage pour les salariés contraints à la démission sans pouvoir prouver la pression de l'employeur, la tentation a été grande de réduire encore davantage le droit de regard du juge sur cette procédure. L'amendement sénatorial donnant compétence au conseil des prud'hommes pour statuer en premier et dernier ressort sur les litiges relatifs à la rupture conventionnelle, privant de facto le salarié de toute possibilité de faire appel d'une décision lui faisant grief, a été âprement défendu jusqu'en commission mixte paritaire.
Mais la résistance des parlementaires de gauche a payé. A joué aussi la crainte de voir cette disposition dérogatoire au droit commun en matière contentieuse, contraire à nos engagements internationaux garantissant le droit à un procès équitable, constituer un motif d'inconstitutionnalité. C'est pourquoi la possibilité de faire appel a été rétablie.
Il n'en demeure pas moins que l'article 5, reposant sur la fiction de l'égalité des parties au moment de la rupture du contrat de travail, reste un formidable outil au service du plus fort, à savoir l'employeur : le lien de subordination ne peut être ignoré des parlementaires.
Voilà, madame la secrétaire d'État, ce que le ministre présente comme « une modernisation sans précédent des relations individuelles de travail et un changement considérable dans le droit du travail » en écho au rapport Attali, qui fait caricaturalement de la déréglementation, du droit du licenciement en l'occurrence, le moyen principal de libérer l'économie française.
Cet article est une victoire du MEDEF, qui exige depuis des années la fluidification du marché du travail et la sécurisation juridique de la relation de travail.
En ligne de mire se trouve le droit du licenciement, considéré comme un frein à l'embauche : celui-ci est jugé trop protecteur, non qu'il empêche véritablement les licenciements dans les faits – je rappelle qu'en 2006 l'ANPE recensait tout de même plus de 930 000 licenciements –, mais bel et bien parce qu'il oblige l'employeur à justifier sa décision par un motif réel et sérieux et qu'il ouvre aux salariés une voie juridique de résistance.
Cette voie est, somme toute, assez peu empruntée, seuls 20 % des licenciements étant contestés devant le juge des prud'hommes, et elle aboutit rarement et difficilement à la condamnation, même partielle, de l'employeur. Mais vous aviez à coeur de faire sauter ces verrous, comme pour les 35 heures, ne serait-ce pour des raisons idéologiques.