Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, mes chers collègues, l'Assemblée nationale est saisie du projet de loi visant à autoriser l'approbation de la décision du Conseil de l'Union européenne du 7 juin 2007 relative aux ressources propres des Communautés européennes pour la période 2007-2013. Dix-huit mois avaient été nécessaires aux dirigeants européens pour parvenir, en décembre 2005, à un compromis sur les perspectives financières. La présente décision, communément appelée décision « ressources propres », représente la traduction juridique du volet recettes de cet accord politique qui ouvre la voie à une remise en cause très progressive du chèque britannique. Cette décision est la sixième du genre depuis l'instauration, en 1970, d'un mécanisme de ressources propres qui distingue les Communautés européennes des autres organisations internationales, dont le financement repose exclusivement sur les contributions des États membres.
La nouvelle décision du Conseil s'inscrit dans le prolongement de la précédente décision «ressources propres » adoptée en 2000, dont elle reprend les grands principes. Le système de financement du budget communautaire reste en effet composé de quatre ressources distinctes : deux ressources propres dites «traditionnelles», qui correspondent, d'une part, aux prélèvements agricoles, et, d'autre part, aux droits de douane perçus dans le cadre des politiques communautaires ; la ressource TVA, créée en 1970 ; la ressource PNB, créée en 1988, la ressource TVA, à son tour, ne suffisant plus à financer le budget.
Dans le même temps, le système des ressources propres a fait l'objet d'ajustements à travers la mise en place de mécanismes de correction destinés à le rendre plus équitable. C'est ainsi que le Royaume-Uni a obtenu de ses partenaires, lors du Conseil européen de Fontainebleau, le droit de bénéficier d'un rabais sur sa contribution au budget communautaire. La France est le premier contributeur à la correction britannique : notre pays paie 1,5 milliard d'euros des 5,8 milliards d'euros que cela représente en 2008. Plus globalement, l'application de la nouvelle décision « ressources propres » du 7 juin 2007 se traduit par une contribution française totale de 135,5 milliards d'euros sur la période 2007-2013.
Après vous avoir exposé, dans ses grandes lignes, l'architecture du système des ressources propres, j'en viens aux principaux changements prévus par la nouvelle décision soumise à notre examen. Celle-ci comporte deux modifications principales.
La première modification touche à la remise en cause progressive du rabais britannique. Le Royaume-Uni est en effet devenu l'un des États les plus riches de l'Union, ce qui n'était pas le cas en 1984, lors des accords de Fontainebleau. Devant la pression de leurs partenaires, les Britanniques ont ainsi dû se résigner à accepter la remise en cause, au moins partielle, de leur rabais. La présente décision « ressources propres » met ainsi fin au paradoxe d'un Royaume-Uni qui est tout à la fois un fervent promoteur de l'élargissement et l'un des États membres qui contribue le moins à son financement. Le mécanisme de correction en sa faveur est maintenu dans son principe, mais ses modalités d'application sont sensiblement revues. Il est ainsi prévu qu'à compter de 2009, le Royaume-Uni prendra sa part aux coûts liés à l'élargissement, à l'exception toutefois des dépenses agricoles de marché. La contribution supplémentaire qui en résultera ne devra toutefois pas dépasser 10,5 milliards d'euros au cours de la période 2007-2013. Il convient de préciser que le Royaume-Uni n'est pas le seul pays de l'Union à bénéficier d'un rabais. En effet, au titre de l'équité, la décision du Conseil prévoit, pour la même période, l'existence d'un abattement annuel de 605 millions d'euros de la contribution des Pays-Bas et de 150 millions d'euros de la contribution de la Suède.
La seconde modification est relative à la diminution du taux d'appel de TVA, qui passe de 0,50 % à 0,30 %. Un taux d'appel minoré est prévu pour quatre États membres très fortement contributeurs nets : l'Allemagne, les Pays-Bas, la Suède et l'Autriche. Le financement du manque à gagner au titre de la ressource propre TVA s'opère à travers la ressource RNB.
Au-delà de la décision du Conseil que nous examinons aujourd'hui, le système même des ressources propres fait l'objet de critiques récurrentes. Mais, si un consensus paraît se dégager pour dénoncer les limites du mode actuel de financement de l'Union, aucun accord ne semble se dessiner, à ce stade, sur un modèle alternatif. Pourtant, l'évolution du système des ressources propres se caractérise par une complexité croissante qui nuit à la transparence et à la compréhension. De surcroît, la pratique du calcul des soldes nets conduit à opposer les pays contributeurs au budget communautaire à ceux qui en sont les bénéficiaires, ce qui a pour effet d'exacerber les égoïsmes nationaux et d'encourager les États membres à privilégier le financement des politiques dont ils profitent directement. J'ajoute que les mécanismes de correction mis en place depuis l'accord de Fontainebleau provoquent une complexité telle que cela nuit à la transparence du budget européen, devenu illisible pour les citoyens.
Dans une résolution adoptée le 29 mars 2007, le Parlement européen a stigmatisé les faiblesses du système actuel et proposé des pistes de réforme. Ses propositions contribueront à nourrir la réflexion qui s'ouvrira prochainement dans le cadre de la clause de réexamen des perspectives financières qui doit intervenir en 2008-2009, conformément aux conclusions du Conseil européen de décembre 2005.
La Commission européenne a engagé une vaste consultation publique dont la clôture est prévue le 15 juin prochain. Dans son document de consultation, elle pose notamment la question de la mobilisation de ressources supplémentaires pour financer le budget européen. La question est également clairement posée de savoir si la correction britannique et les divers mécanismes compensatoires actuellement en vigueur demeurent justifiés. Dans leur contribution à cette consultation publique, les autorités françaises plaident pour des ressources propres justes, équitables et lisibles, et appellent à une réflexion sur de nouveaux mécanismes de financements propres pour l'Union.
Quel rôle jouera la présidence française de l'Union dans le réexamen du cadre financier pluriannuel ? Tout dépendra de la date à laquelle la Commission européenne publiera son rapport sur le résultat de la consultation publique, date pour le moment envisagée pour fin 2008-début 2009. Ce flou sur la date ne doit rien au hasard, la Commission ayant indiqué à diverses reprises « qu'il est impossible de déterminer précisément quand sera publié le rapport, étant donné que ce dernier dépend de l'issue de la consultation, mais aussi de l'état d'avancement du processus de ratification du traité de Lisbonne ». Attendons donc les résultats du référendum irlandais.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l'entrée en vigueur de la décision «ressources propres » du Conseil du 7 juin 2007 est conditionnée à son approbation par tous les États membres. Elle s'appliquera alors avec un effet rétroactif au 1er janvier 2007, date d'entrée en vigueur des perspectives financières 2007-2013. Considérant que cette décision du Conseil oriente le financement de l'Union sur la voie d'une plus grande équité, je vous recommande, conformément au vote émis par la commission des affaires étrangères, l'adoption de ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)