Ajournée plusieurs fois sous la pression syndicale et politique, c'est une énième mouture de la proposition de loi sur l'extension du travail le dimanche que nous examinons au sein de cet hémicycle.
Elle vise à légaliser des pratiques actuellement hors-la-loi, ce qui est un comble pour une proposition de loi, dans certaines zones commerciales, comme Plan-de-Campagne, dans les Bouches-du-Rhône, située dans une circonscription que vous connaissez bien, monsieur le rapporteur. Elle tend également à banaliser les dérogations de plein droit dans des espaces commerciaux estampillés «périmètres d'usage de consommation exceptionnelle» englobant notamment les zones frontalières et les zones touristiques ou thermales.
La définition élastique que vous nous proposons sera susceptible d'ouvrir la voie à une généralisation à terme du travail dominical, non seulement dans les commerces, mais aussi dans n'importe quelle entreprise, sous couvert de développer de l'activité économique.
Ce texte prétend par ailleurs consacrer le volontariat des salariés concernés alors que celui-ci n'est prévu que pour les employés des établissements pour lesquels l'obtention d'une autorisation administrative est obligatoire. Il en serait de même pour les contreparties et les garanties, en termes de salaire et de repos compensateur et ce, quitte à malmener le principe d'égalité inscrit dans le droit du travail. Pour la majorité des salariés, ce serait donc la contrainte qui primerait.
De surcroît, si la proposition de loi ne reprend plus l'idée d'augmenter le nombre de dimanches travaillés pour les commerces de détail non alimentaire, la porte est désormais ouverte à une généralisation, Nous connaissons bien malheureusement ce processus de déréglementation du droit du travail depuis le début de cette législature.
Le volontariat annoncé pour les centres commerciaux, est de pure forme. En effet, comment envisager qu'une salariée, le plus souvent à temps partiel, puisse refuser de travailler le dimanche alors qu'elle ne perçoit qu'un revenu très modeste, souvent inférieur au SMIC ?
Par ailleurs, ces personnes devront sacrifier une grande partie de leur vie familiale. C'est seulement le week-end que les enfants et les parents peuvent profiter les uns des autres. Est-ce le moment de désorganiser la vie familiale lorsque toute une jeunesse, en manque de repères, est en proie au doute quant à son avenir ?
L'impact économique est, par ailleurs, loin d'être évident. À l'heure où nos concitoyens voient s'effondrer leur pouvoir d'achat, il paraît évident que l'ouverture des commerces le dimanche entraînera un déplacement dans le temps des dépenses et non un surplus de croissance. On peut craindre également des destructions nettes d'emplois entre les magasins ouverts le dimanche, qui embaucheraient, et ceux qui, fermés ce même jour, verraient leurs parts de marché cannibalisées par le jeu concurrentiel.
Dans un tel contexte, les petits commerces de proximité des plus grandes villes, qui réalisent une part non négligeable de leur chiffre d'affaires le week-end, risquent de disparaître rapidement ; cet aspect du texte ne doit pas être négligé.
Enfin, le texte ment par omission puisqu'il prévoit que, « dans les communes touristiques ou thermales », les commerces de détail peuvent « de droit » occuper leurs salariés le dimanche durant toute l'année.Il en résulte qu'un maire, qui obtiendra du préfet le classement de sa ville en commune touristique, donnera le droit aux commerces de sa ville de faire travailler leurs employés tous les dimanches de l'année, qu'ils soient volontaires ou non, sans leur garantir de compensation salariale ou de repos supplémentaire.
Cette généralisation du travail dominical pourra concerner 6 000 communes, dont les plus grandes villes – Paris, Lyon, Marseille, Lille, Nantes, Toulouse ou Bordeaux –, ainsi que bien d'autres sur le territoire national, notamment dans les zones littorales et de montagne. Dans toutes ces communes, l'ouverture des commerces le dimanche sera de plein droit : travailler le dimanche sera une obligation et le refus de s'y soumettre un motif de licenciement.