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Intervention de Jean Mallot

Réunion du 8 juillet 2009 à 9h30
Dérogations au repos dominical — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Mallot :

En effet, Marcoussis a été touristique pendant quelques heures hier. Vous démontrez vous-même le flou des définitions proposées par le texte.

Le texte qu'on nous propose de voter, même si des amendements viendront peut-être le modifier, dit que dans les communes touristiques ou thermales, « les établissements de vente au détail », quelle que soit la taille de l'établissement, quelle que soit la nature des produits vendus, « peuvent, de droit, donner le repos hebdomadaire par roulement ». Si c'est de droit, il n'y a pas de contrepartie, pas de refus possible, c'est un élément constitutif du contrat de travail. Et tout cela s'applique en saison ou hors saison dans la commune touristique. Expliquez-moi ce qui distingue une commune touristique d'une commune non touristique hors saison. Par exemple quand elles sont situées à trois kilomètres l'une de l'autre, expliquez-moi pourquoi, hors saison, l'une aura le droit de voir ses commerces ouverts le dimanche et pas l'autre.

Ensuite, j'observe que la liste des communes touristiques et thermales n'est pas fermée puisque le texte prévoit comment elle est élaborée. Donc, le nombre de 494 va forcément évoluer.

Comment cette liste est-elle établie ? Elle est établie par le préfet sur proposition du maire, et sur proposition du préfet à Paris – comme l'a très bien expliqué Christian Eckert, c'est le préfet qui se donne proposition à lui-même. Une fois que le maire a émis le souhait que sa commune soit classée touristique ou thermale – thermale, c'est compliqué mais touristique, c'est plus simple – il est hors jeu : la décision est prise par le préfet, il n'y a pas de retour en arrière possible de la part du maire, il est dans la nasse. On voit bien comment, par cette mécanique, de proche en proche, toutes les communes, pour peu qu'elles aient de temps en temps une affluence touristique, vont vouloir être classées dans cette rubrique.

M. Gaubert a cité en commission l'exemple de Dinan et Saint-Malo. De ces deux villes, seule la seconde est touristique, mais, comme il ne faut qu'un quart d'heure pour joindre l'une à l'autre en voiture, Dinan sera bientôt classée elle aussi comme une ville touristique.

Quels critères définissant les communes touristiques retiennent le code du tourisme et le code du travail ? Ce dernier mentionne, à l'article R. 3132-20, le rapport entre la population permanente et la population saisonnière – sans préciser le taux retenu –, le nombre d'hôtels ou de gîtes, de campings ou de lits – mais quel est le seuil ? –, le nombre de places offertes dans les parcs de stationnement automobile – critère bien curieux, au regard du Grenelle de l'environnement, mais passons ! Le code du tourisme, lui, propose une définition à l'article L. 133-11. Selon la hiérarchie des normes en vigueur dans notre pays, le second prime sur le premier, puisque le législatif l'emporte sur le réglementaire. Les critères du code du tourisme l'emportant sur ceux du code du travail, notre pays comptera plusieurs milliers de communes touristiques.

J'en viens à la seconde partie de mon propos, qui sera consacrée au volontariat.

Le rapporteur, contrairement à ce qu'a prétendu le président de la commission, a indiqué que le volontariat s'exercera non dans les communes touristiques, mais dans les PUCE. Néanmoins, dans les communes touristiques, j'aimerais savoir où sera le volontariat pour le maire qui demandera que sa commune soit classée comme touristique parce qu'il sera sous la pression des commerces des communes voisines. Quant aux salariés qui craignent de perdre leur emploi, parlera-t-on de volontariat s'ils acceptent de travailler le dimanche ?

L'échange que nous avons eu en commission sur le volontariat a été fidèlement repris dans le rapport de M. Reynès. Le président Ollier a affirmé – page 36 – : « Je le répète, tout se fera sur la base du volontariat. », À l'objection de M. Eckert – « Il faut prévoir que dans les zones touristiques aussi, le travail dominical est fondé sur le volontariat » –, le rapporteur pour avis a répondu – page 39 – : « La proposition se limite à simplifier la procédure de mise en oeuvre du travail le dimanche dans les zones touristiques et ne modifie pas le régime juridique applicable au salarié. » Et il enfonce le clou page 40 : « Dans les zones touristiques et thermales, le travail dominical ne se fait pas sur la base du volontariat. Avis défavorable. », Et il ajoute : « Le volontariat vaut pour les PUCE. »

Il est vrai que cette théorie du libre choix vous est chère. Vous l'avez déjà invoquée à propos des heures supplémentaires. Selon vous, les salariés seraient volontaires pour effectuer des heures supplémentaires éventuellement défiscalisées. Chacun sait qu'il n'en est rien. S'ils en font c'est que leur patron en a décidé ainsi. Le volontariat n'a rien à voir avec cela. Et vous nous avez également parlé de la rémunération, de l'intéressement et de la participation. Je mentionne aussi, pour mémoire, le cas de la retraite à soixante-dix ans. L'UMP a voté, dans le PLFSS pour 2009, un amendement pour que les salariés qui veulent travailler après soixante-cinq ans ne soient pas mis à la retraite d'office. Mais ceux-ci ne sont en rien volontaires. Simplement, ils savent que leur retraite ne leur permettra pas de vivre. Si le droit du travail prévoit des dispositions d'ordre public, c'est précisément pour protéger les salariés contre la tentation de céder à leur employeur, auquel les lie une relation déséquilibrée, surtout en temps de crise.

Permettez-moi à présent de citer un auteur que vous connaissez tous : Charles-Louis Philippe, écrivain bourbonnais bien connu, mort il y a cent ans. Dans son ouvrage La Mère et l'enfant, il a cette formule : « L'amour est beau pour ceux qui ont de quoi vivre, mais les autres doivent d'abord penser à vivre. » En l'occurrence, les contraintes sociales conditionnent des choix qui n'ont rien de libre.

Sur la question du volontariat, un sondage intéressant a été réalisé par l'IFOP pour la Fondation pour l'innovation politique. Parmi les salariés qui travaillent le dimanche, 39 % considèrent qu'il s'agit d'une contrainte liée à la nature de leur activité et 43 % d'une contrainte contractuelle ou liée à leur statut. C'est dire que 82 % d'entre eux pensent qu'il s'agit d'une contrainte. Seuls 17 % y voient l'effet d'une libre décision de leur part, liée à la volonté d'organiser leur emploi du temps comme ils le veulent ou de percevoir un salaire plus important. Ils sont en outre 51 % à juger que le travail du dimanche est facteur de tensions, notamment avec leurs enfants.

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