Si je reprends les chiffres de Mme la ministre, on va passer de 200 médecins capables de faire une telle expertise à 500 au mois de mars prochain. Or je doute que l'on puisse trouver en six mois 300 psychiatres publics, formés, car il ne s'agit pas de n'importe quelle psychiatrie. Cela concerne certainement les cas les plus difficiles et les plus délicats.
En même temps, et c'est là, je pense, que l'on triche, on supprime la double expertise. Ce n'est pas innocent. On pourrait penser que c'est réaliste puisqu'il n'y a pas assez de psychiatres, tout le monde le dit. Un expert de moins, c'est autant de temps de gagné et de difficultés évitées, mais cette raison n'est pas recevable.
Pourquoi avait-on prévu deux experts dans la loi de 1998 qui avait créé le suivi socio-judiciaire ? Parce que ce sont des questions extrêmement difficiles que l'on va poser aux experts psychiatres. Cette personne est-elle dangereuse si elle n'est pas soignée ? Si on la soigne, pourra-t-elle sortir sans être dangereuse ? Si elle bénéficie de soins dans la continuité et dans la durée, pourra-t-elle bénéficier d'une libération conditionnelle ? Et, si elle sort au bout de treize ans au lieu de dix-huit, sera-t-elle moins dangereuse que si elle sort sans soins au bout de dix-huit ans ?
Ce sont des questions extrêmement compliquées, et très peu d'experts psychiatres sont capables de savoir si, après avoir bénéficié de soins pendant dix ans, une personne ayant commis des agressions sexuelles sera beaucoup moins dangereuse qu'elle ne l'est aujourd'hui. Ou alors on passe à des traitements interdits en France, qui sont radicaux et dramatiques, et que notre humanisme en matière pénitentiaire ou médicale nous interdit même d'envisager.
Étant donné que nous ne pouvons pas répondre à ces questions, le dispositif que vous nous proposez ici n'est qu'un leurre, comme le savent tous ceux qui ont eu à connaître de ces cas, soit directement, soit à travers la relation des experts qu'ils ont auditionnés.