Cet amendement vise aussi à supprimer l'article 3, qui étend aux mineurs le principe des peines minimales défini aux articles 1er et 2 et limite l'atténuation de la responsabilité pénale du mineur de plus de seize ans prévue par l'ordonnance de 1945.
Depuis cinq ans que vous réformez la justice, vous videz par petites touches l'ordonnance de 1945 de son contenu. Il ne s'agit pas d'un problème législatif au sens littéral du terme, mais de l'esprit même des lois. C'est le souffle humaniste de ce texte que vous voulez réduire à néant, car il vous gêne. Cela révèle l'incompatibilité profonde entre les positions que vous défendez et celles que nous défendons.
Rechercher dans l'aggravation des peines, dans leur allongement et dans la sévérité des décisions judiciaires une solution au dramatique problème que pose la délinquance des mineurs et des majeurs vous mènera droit dans le mur, nous ne cesserons de vous le répéter. Partout où les peines ont été aggravées, les résultats ont été contre-productifs : les violences se sont multipliées et se sont mieux organisées. Vous n'obtiendrez pas ce que vous souhaitez par cette voie-là : la géographie de la délinquance correspond aux îlots de pauvreté, à l'échelon national comme à l'échelon mondial, et si les indispensables mesures de sanction ou d'incarcération ne s'accompagnent pas de politiques sociales et éducatives, elles seront vouées à l'échec.
Avec les dispositions prévues à l'article 3, le juge pourra écarter l'excuse de minorité sans motiver spécialement la condamnation en cas de délit de violence volontaire, de délit d'agression sexuelle ou de délit commis avec la circonstance aggravante de violences. Elles obligent également la juridiction à écarter l'excuse de minorité lorsque le mineur se trouve une nouvelle fois en état de récidive. Autrement dit, les peines prévues pour les majeurs s'appliqueront. Lorsque la cour d'assises des mineurs ou le tribunal pour enfants décideront de faire application de l'atténuation de la peine, leurs décisions devront être spécialement motivées.
En renversant le principe de l'atténuation de la responsabilité pénale des mineurs, cet article, je le répète, remet fondamentalement en cause l'esprit de l'ordonnance de 1945. Il est également contradictoire avec la convention internationale des droits de l'enfant, pourtant ratifiée par la France. La Défenseure des enfants vous a alertés sur ce point en rappelant qu'aux termes de la convention, un mineur doit toujours pouvoir bénéficier d'une justice adaptée à son âge. Mme Versini vous demande donc très légitimement de maintenir les dispositions actuelles qui permettent déjà au juge de décider d'écarter l'excuse de minorité en fonction de la gravité de l'infraction.
L'Allemagne, l'Autriche, le Portugal, les Pays-Bas, l'Espagne, la Croatie maintiennent, même au-delà de la majorité, un régime plus protecteur que celui que notre pays prévoit pour les mineurs dès seize ans. Vous conviendrez, et j'en ai un peu honte pour la France, que ces dispositions ne la grandissent pas.