L'article 3 est la pierre angulaire de ce projet de loi. Sa rédaction est contournée et contradictoire ! D'un côté, nous avons droit à une version « grand public » qui donne à entendre que les mineurs récidivistes seront condamnés comme des majeurs.
De l'autre, la version présentée dans l'hémicycle, tout en précaution et prudence, qui prétend que les spécificités à valeur constitutionnelle de la justice des mineurs sont préservées dans ce texte.
C'est soit l'un, soit l'autre, mes chers collègues, mais certainement pas les deux à la fois !
Nous avons déjà montré en quoi ce texte était inadapté à la lutte contre la récidive des mineurs et contre l'augmentation des violences visant les mineurs : il s'attache à la récidive légale alors que le problème est celui de la réitération ; il concerne les mineurs de seize à dix-huit ans alors que nous constatons que les délinquants mineurs sont de plus en plus jeunes ; il n'aura aucun effet dissuasif – je ne reviens pas sur l'ensemble des objections que nous avons formulées.
Premièrement, cet article applique les peines planchers aux mineurs. Si nos objections concernant la personnalisation des peines sont valables pour les majeurs, elles le sont a fortiori pour les mineurs.
Deuxièmement, il allonge la liste des dérogations à l'application de l'atténuation de peine pour minorité. Permettez-moi de faire une remarque sur l'expression d'« excuse de minorité », tout à fait inappropriée à nos yeux car s'il existe une responsabilité pénale des mineurs, qui peut être atténuée – les textes le prévoient – il ne s'agit en rien d'excuser l'acte commis. En fait, la gradation des peines en fonction de l'âge est l'équivalent de ce que les parents pratiquent de façon empirique au sein de la famille. Une même bêtise commise par un enfant de onze ans ou par un adolescent de dix-sept ne sera pas sanctionnée de la même façon par les parents. C'est tout simplement ce principe qui est inscrit dans notre droit.
Troisièmement, il déroge au principe de la motivation : la non-atténuation de la peine sera la règle, et c'est l'atténuation de la peine qui devra être motivée. Dès lors que l'article 2 de l'ordonnance de 1945 prévoit que « le tribunal pour enfants ne peut prononcer une peine d'emprisonnement, avec ou sans sursis, qu'après avoir spécialement motivé le choix de cette peine » – disposition qui ne figure pas dans le tableau récapitulatif des règles de motivation des décisions de justice s'appliquant aux mineurs, page 82 du rapport de la commission des lois – la motivation exigée à l'article 2 de l'ordonnance de 1945 deviendra purement formelle. Elle consistera à dire : application est faite du nouvel article 20-2.
De modification en modification, vous alignez, madame la garde des sceaux, le droit pénal des mineurs sur celui des majeurs. Toute la subtilité de cette démarche consiste à procéder par étapes successives, ce qui permet sans doute, à chaque étape, d'assurer qu'un certain nombre de principes à valeur constitutionnelle sont respectés.
Mais puisque vous voulez viser les mineurs récidivistes, madame la garde des sceaux, vous auriez pu proposer une autre rédaction du texte. Vos auriez très bien pu prévoir un durcissement des peines pour les mineurs récidivistes. Mais tel n'a pas été votre choix. Vous avez décidé que les juridictions appliqueront aux mineurs les mêmes peines qu'aux majeurs, et qu'elles pourront déroger aux obligations de motivation. Voilà la preuve que votre projet est entièrement idéologique, et qu'il se borne à reprendre le leitmotiv de l'actuelle majorité depuis des années et des années.