Le nouveau traité ne s'en tient d'ailleurs pas à cela : il reprend intégralement le carcan du pacte de stabilité et retire aux États toute marge de manoeuvre pour conduire des politiques de croissance et d'investissement public. Vous nous promettiez que les services publics seraient protégés par un protocole ayant même valeur que le traité. Mais c'est faux ! L'article 106 du traité sur le fonctionnement de l'Union prévoit que les services publics restent soumis à la concurrence.
En revanche, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, vous avez omis de nous parler de la politique de sécurité et de défense commune. Mais s'agit-il vraiment d'une omission, alors que vous prétendez que le nouveau traité prend en compte les préoccupations exprimées par les Français lors du référendum de 2005 ? En effet, le « non » avait été consolidé par la crainte d'une dérive atlantiste de l'Union et d'une subordination directe à l'OTAN. Pourtant, cette allégeance est clairement définie par l'article 42-2 qui prévoit : « la politique de l'Union (…) respecte les obligations découlant du traité de l'Atlantique nord pour certains États membres qui considèrent que leur défense commune est réalisée dans le cadre de l'OTAN, et elle est compatible avec la politique commune de défense et de sécurité arrêtée dans ce cadre ».
Concernant le volet institutionnel, vous prétendez que le traité de Lisbonne rend les institutions de l'Union européenne plus démocratiques et plus efficaces. C'est encore faux ! Rien n'est fait pour combler le déficit démocratique de l'Union. La Commission décidera, et les parlements s'inclineront. Ainsi, la Banque centrale européenne reste indépendante du pouvoir politique et sa seule mission reste de rendre la zone euro crédible pour les marchés financiers. Les élus n'auront aucun pouvoir d'infléchir des politiques aux conséquences sociales dramatiques sur le niveau de vie de nos citoyens et des citoyens européens. Oui, les pouvoirs restent concentrés dans les instances non élues, comme la Commission européenne et la Cour de justice des Communautés européenne. S'agissant de l'évolution du rôle des parlements nationaux dans le processus décisionnel communautaire, si le traité de Lisbonne, comme le traité établissant une Constitution pour l'Europe, semble, à première vue, apporter une évolution positive, elle reste manifestement mineure au regard des enjeux.
Force est de constater que les prérogatives reconnues aux parlements nationaux sont donc gravement insuffisantes. Rappelons, tout d'abord, que les résolutions votées dans le cadre de l'article 88-4 n'ont aucun caractère contraignant. De même, le protocole n° 2, annexé au traité de Lisbonne, ne fait pas des parlements nationaux les nouveaux garants du respect du principe de subsidiarité, contrairement à ce que certains voudraient nous faire croire. Ajoutons que le pouvoir de s'opposer à la mise en oeuvre de la procédure de révision simplifiée, reconnu aux parlements nationaux, n'est qu'un pouvoir d'empêchement relatif. Il n'est, en aucun cas, un pouvoir de proposition. Nous sommes donc encore bien loin d'un véritable fonctionnement démocratique de l'Union.
Nul besoin de dresser un inventaire exhaustif des dispositions du traité modifié : les quelques exemples que je viens de donner et la démonstration précédente de mon ami Alain Bocquet montrent, à l'évidence, que le traité de Lisbonne et celui rejeté par les Français lors du référendum de 2005 sont similaires sur l'essentiel. La vérité, c'est que votre refus de consulter notre peuple par la voie référendaire est l'expression de votre peur.