Enfin, a dit M. Jouyet. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je dirai, moi, trois fois merci à Nicolas Sarkozy, à Angela Merkel et à tous ceux qui ont permis que ce traité aboutisse.
Merci tout d'abord d'avoir permis à l'Europe, et notamment à l'Europe politique, de faire un pas en avant décisif.
Dans sa déclaration du 9 mai 1950, Robert Schuman avait proposé de construire d'abord une Europe économique, puis une Europe politique. Il faut bien reconnaître que, depuis 1950, nous étions un peu bloqués à l'Europe économique. L'Europe économique s'est faite sans difficultés, nous sommes allés chaque fois un peu plus loin avec la construction du marché commun puis du marché unique européen mais, à chaque fois qu'il a fallu construire l'Europe politique, c'est devenu beaucoup plus complexe, et nous avons sans cesse piétiné et multiplié les difficultés. Avec ce traité, nous franchissons un pas décisif vers cette Europe politique nécessaire, qui était voulue par les Pères fondateurs.
Merci également de permettre à l'Europe de fonctionner à vingt-sept. S'il y a eu une fuite en avant dans la construction de l'Europe économique et une réelle incapacité à construire l'Europe politique, cette fuite en avant était également réelle en ce qui concerne les élargissements. Il y a eu à un moment un débat entre approfondissement et élargissement, et nous avons eu l'élargissement sans l'approfondissement. Après les échecs du traité de 1997 et de celui de 2000, il fallait absolument parvenir à une réforme profonde de nos processus de décision pour permettre enfin à l'Europe élargie de fonctionner de façon efficace.
Enfin, merci d'avoir remis la France au coeur de l'Europe. Le rapport des Français à l'Europe a toujours été ambigu. Les Français veulent l'Europe mais ils ont parfois aussi donné des coups de frein formidables dans la construction européenne. Rappelons-nous du traité de 1954, dit de la CED. Dans la foulée du traité de Paris de 1951, il avait été envisagé de construire une Europe de la défense. C'était un projet français, et ce sont les Français eux-mêmes, dans cet hémicycle, qui l'ont fait capoter, remettant en cause pour très longtemps la construction de l'Europe politique. Pour la constitution européenne, nous avons reproduit le même schéma. Ce sont les Français qui l'ont voulue, c'est un ancien Président français qui l'a imaginée et construite, et ce sont les Français qui, en votant non, l'ont fait échouer.
Fort heureusement, avec le traité de Lisbonne, l'Europe est sur les rails, et c'est grâce à la France qu'elle va à nouveau de l'avant.
Par conséquent, trois fois merci.
Cela étant dit, s'il faut vraiment se réjouir de ce texte, il faut aussi tenir compte des réticences qui s'expriment encore à l'égard de la construction européenne et, sur trois plans, il nous faut être particulièrement vigilant.
Tout d'abord, si nous avons fait un pas décisif dans la voie de l'Europe politique, celle-ci n'a de sens que si elle permet un fonctionnement plus démocratique de l'Union européenne. À cet égard, il faut souhaiter que, dans les années qui viennent, nous soyons capables de transformer le rapport de défiance qui existe parfois entre certains de nos professionnels ou de nos citoyens et l'Europe en un rapport de confiance. Je pense par exemple aux marins-pêcheurs, que j'ai souvent l'occasion de côtoyer. Ils ne sont pas par définition contre la construction européenne, mais un réel malentendu s'est introduit au fil du temps. Nous pourrions aisément le dissiper avec un fonctionnement nouveau de l'Europe, une Europe capable de construire un rapport de confiance avec les Européens.
Deuxième voeu, l'Europe ne doit pas nous exposer mais nous protéger de la concurrence entre États à l'intérieur de l'Union européenne, concurrence vive qu'il faudra atténuer en construisant des règles sociales ou fiscales nouvelles, et de la concurrence mondiale.
Enfin, il faut que cette Europe nouvelle qui s'annonce avec le traité de Lisbonne respecte la devise de l'Union européenne, « unis dans la diversité ». Elle doit respecter les langues, les États et la diversité.
En conclusion, ce traité représente une avancée importante. Vous avez compris que j'y suis favorable, mais tout dépendra de l'usage que l'on en fera. Souhaitons que la France joue à nouveau un rôle majeur dans sa mise en oeuvre et sache en faire l'instrument de la démocratie, de l'équité et de la diversité. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)