Pourquoi n'est il pas uniquement « institutionnel » mais bel et bien « constitutionnel » ? Cela tient d'une part à sa nature : s'il n'avait été qu'un texte « institutionnel » une révision de la Constitution n'aurait pas été nécessaire puisqu'il ne se serait intéressé qu'aux institutions européennes, sans modifier leurs compétences. Quand l'Union européenne reçoit plus de quarante transferts de souveraineté, une révision s'impose, puisque le Parlement national en est destitué. On touche au constitutionnel et non plus seulement à l'institutionnel. D'autre part, le traité modificatif européen a un socle constitutionnel : le traité constitutionnel européen. Le traité dit simplifié n'est donc pas une nouvelle construction ; il s'agit du traité constitutionnel amendé, qui ne se limite pas à reprendre les modifications institutionnelles, mais à apporter quelques corrections basiques à un traité qui ne porte plus le nom de « constitution », mais n'en reste pas moins de « nature constitutionnelle ». Même si les symboles de l'Union et le terme de constitution ont disparu, le traité reste strictement un texte constitutionnel en raison de la nécessaire révision de la Constitution qu'il impose, mais aussi en raison des nombreux points de nature constitutionnelle. Ainsi, la personnalité juridique donnée à l'Union européenne permettra à son « Haut représentant » de s'exprimer au Conseil de sécurité de l'ONU en lieu et place de la France et de la Grande-Bretagne qui y siègent. C'est vrai aussi de la prééminence du droit européen sur le droit national. Rendre le droit européen en toute circonstance supérieur à la Constitution revient finalement à faire primer la Charte des droits fondamentaux sur la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ou sur la Charte de l'environnement. Par exemple, le droit d'exprimer sa foi en public et en privé mettra à mal notre principe de laïcité !
Les compétences définies dans le traité modificatif sont bien celles définies dans le cadre d'une constitution européenne que les Français ont rejetée. Il est donc illégitime, même s'il est légal, de présenter aux élus de la nation que nous sommes des compétences qui ont été déjà repoussées par notre mandant, dont « émane la souveraineté », selon les termes mêmes de notre Constitution, à savoir le peuple.
Enfin, la règle du parallélisme des formes impose qu'un texte de droit, pour être modifié, aboli ou restauré, passe devant le même législateur ou constituant. Ainsi, puisqu'il y a eu référendum sur le traité constitutionnel, doit-il y avoir référendum sur le traité modificatif qui n'est pas, je le rappelle, un nouveau texte, mais bien le précédent amendé. Le parallélisme des formes s'impose pour « dissoudre » le vote des Français avec un nouveau référendum. Sinon, quelle pourrait bien être la crédibilité de notre assemblée, qui a déjà subi un camouflet en ayant approuvé à la quasi-unanimité un texte refusé à 55 % par le peuple dont elle était pourtant la représentante ?