Voilà plus de dix ans que l'on négocie sur les institutions, que l'on a d'ailleurs abusivement confondues avec l'Europe politique. Les institutions ne sont qu'un instrument – certes important – au service des politiques européennes et du projet européen.
Le traité respecte le mandat donné par le Conseil européen de juin 2007, celui d'un traité minimal. Nous avons donc satisfaction sur ce point, même si nous aurions, bien sûr, apprécié plus d'ambition sur la question sociale et sur la gouvernance économique de l'Union. Je ne reviens pas sur ce que Jean-Marc Ayrault et Pierre Moscovici ont dit à ce sujet.
Mais malgré ses insuffisances et ses imperfections, ce traité modificatif doit être approuvé, car il permettra à l'Europe de mieux fonctionner en se dotant notamment d'une présidence stable et d'un responsable unique pour la politique étrangère, la défense et l'aide au développement. La charte des droits fondamentaux, avancée remarquable obtenue sous présidence française en 2000, devient obligatoire pour tous les pays sauf le Danemark et le Royaume-Uni. Une base juridique existe enfin pour une directive sur les services publics – encore faudra-t-il la proposer. Les décisions seront rendues plus faciles grâce à la règle de la double majorité et l'extension du champ des décisions prises à la majorité. Enfin, des pouvoirs nouveaux sont attribués au Parlement européen ainsi qu'aux parlements nationaux.
Par ailleurs, le projet de loi de révision constitutionnelle est un préalable nécessaire à la ratification. Il ne faut donc pas faire obstacle à son adoption.
C'est en effet un impératif juridique rendu incontournable par la décision du Conseil constitutionnel du 20 décembre 2007.
Il est en outre naturel de supprimer de la Constitution les références au TCE, désormais caduques, et de procéder aux révisions nécessaires, déjà énumérées par Mme la garde des sceaux.
Deux nouveaux articles sont exemplaires des avancées qu'apporte le traité de Lisbonne en matière de démocratie : l'article 88-6 permet à l'Assemblée nationale ou au Sénat d'être les garants de la subsidiarité, et l'article 88-7 offre au Parlement le droit de s'opposer à la révision simplifiée des traités ou à certaines dispositions dans le domaine de la coopération judiciaire civile.
Je formule cependant le regret que l'article 88-5 qui rend obligatoire un référendum avant toute nouvelle adhésion d'un pays à l'Union européenne n'ait pas été supprimé. Cet article de circonstance, que nous avons fortement combattu lors de la précédente révision, n'a pour but que d'empêcher l'adhésion de la Turquie et risque de rendre plus difficile celle des pays des Balkans quand ils seront revenus à la démocratie. Il faudra revenir sur cette partie du texte.
Le traité de Lisbonne ne pourra être ratifié que s'il est compatible avec notre Constitution. Je suis pour le traité de Lisbonne, il faut donc que la révision de la Constitution soit adoptée. Mais – et ce sera mon dernier point – cette ratification laisse entière la question du projet européen au XXIe siècle. Un traité donne la capacité d'agir, mais il ne peut se substituer à la volonté politique pour mener à bien les politiques communes et les projets européens. Beaucoup reste à faire en matière sociale, de recherche, d'énergie, d'éducation, de santé, de lutte contre le réchauffement climatique. Un traité ne peut non plus tenir lieu de vision politique.
Au siècle dernier, le projet européen a magnifiquement réussi, car il a propagé sur le continent la paix et la démocratie. Celles-ci étant désormais acquises, l'Europe retrouvera du sens pour les citoyens si, comme elle l'a fait au siècle dernier, elle apporte des réponses aux peurs de ce siècle qui se cristallisent sur la mondialisation. Pourrons-nous en maximiser les bénéfices, s'ils sont réels, et en maîtriser les effets pervers, néanmoins incontestables ?