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Intervention de Philippe Armand Martin

Réunion du 30 octobre 2008 à 15h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 — Article 15

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Armand Martin :

Les dispositions de l'article 15 tendent à un soi-disant rééquilibrage financier au prétexte que cela n'aurait pas été fait auparavant. En réalité, il s'agit bel et bien d'une nouvelle taxe qu'une partie de nos agriculteurs devra supporter.

L'article 15 prévoit en effet d'augmenter les droits de circulation des vins et spiritueux. Cette augmentation des tarifs des droits indirects sur les boissons et alcools est motivée par l'absence de variation depuis 1996. La dernière augmentation des tarifs des droits indirects applicables aux produits intermédiaires date de 1993, alors que ceux applicables au vin sont restés inchangés depuis vingt-cinq ans, la dernière hausse remontant à 1983.

La fiscalité sur les alcools étant assise sur les quantités, l'inflation a eu pour effet de diminuer la charge fiscale pesant sur ces produits, explique l'exposé des motifs. Autrement dit, les viticulteurs paient moins. Ce qui est totalement faux, comme je vais le démontrer.

Au vu du raisonnement précédent, les tarifs des droits indirects sur les alcools devraient être relevés chaque année du niveau de l'inflation constatée au titre de l'avant-dernière année, et ce à partir de l'année prochaine.

D'abord justifiée au regard de la santé publique et des dommages provoqués par l'alcool, cette augmentation aurait dorénavant vocation à financer le régime vieillesse déficitaire du secteur agricole. Des amendements de clarification fiscale ont d'ailleurs été déposés par certains de nos collègues. Il n'est, bien sûr, pas question de s'en prendre au régime des retraites agricoles.

Quelles que soient les raisons invoquées, cette augmentation de la fiscalité est très malvenue dans un contexte économique incertain, et elle sera très mal ressentie par le monde viticole. J'ajoute qu'une telle mesure me paraît contraire aux objectifs définis par le plan de modernisation de la filière adopté dernièrement par le Gouvernement.

Contrairement aux arguments avancés, cette augmentation ne s'élèverait pas à quelques euros par bouteille, mais bien à des milliers d'euros. Cela ferait donc peser sur de nombreux exploitants une charge difficile à supporter. N'oublions pas que le viticulteur est le seul agriculteur à être assujetti à un taux de TVA sur ses produits de 19,6 %, contre 5,5 % pour tous les autres produits agricoles.

Je prendrai un exemple concret pour illustrer mon propos. Un viticulteur produisant du pineau des Charentes avec un rendement de 27 hectolitres par hectare sur dix hectares, s'il doit supporter une augmentation de 3 % des droits, payera près de 3 000 euros de taxe supplémentaire, soit 60 000 euros. Ajoutez la TVA à 19,6 % – 11 000 euros de plus à débourser – et cela donne un total de 71 000 euros. L'instauration d'une telle survaleur fait tomber l'argument de la baisse du poids relatif de la fiscalité par rapport à l'augmentation des prix. Chaque fois que le prix d'un alcool augmente, la recette fiscale de l'État augmente également. Nous sommes très loin d'une petite augmentation indolore. En effet, une telle somme constitue une lourde charge financière pour les entreprises viticoles.

En outre, les viticulteurs font face à la mise en place d'une nouvelle réforme des contrôles en AOP dont ils assument le coût. Dès lors, l'augmentation des droits de circulation seraient d'autant plus mal vécue que ces mêmes droits servaient à l'origine à financer la politique de qualité et de contrôle des vins AOC.

Enfin, l'indexation de ces droits est contraire à la position défendue par la France en 2006 au niveau communautaire. Si une telle indexation était décidée, elle placerait la France et ses produits dans une position défavorable par rapport aux autres grands pays producteurs européens, qui pratiquent, quant à eux, le taux zéro, comme l'Italie, l'Espagne ou le Portugal. Il est à noter que Michel Barnier, lorsqu'il était commissaire européen, s'y opposait également. Madame la ministre, nous ne pouvons tenir deux positions antinomiques sur un tel sujet.

Il n'y a pas si longtemps, le Président Nicolas Sarkozy avait lui-même déclaré que renforcer la taxation du vin serait contre-productif, à l'heure du redressement de la filière, et ne lui paraissait pas opportun.

C'est pourquoi je vous inviterai, mes chers collègues, à adopter notre amendement de suppression.

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