Le forfait social nous paraît aller dans le bon sens. Tout d'abord, il permet de réviser l'assiette des cotisations sociales patronales à la hausse : ce n'est que justice, à voir à quel taux sont taxés les citoyens, particulièrement ceux qui touchent des bas salaires ou des petites retraites !
Son autre avantage est d'affecter l'argent ainsi récolté aux recettes de l'assurance maladie, dont les besoins financiers sont importants et voués à croître encore dans les prochaines années – je pense à la CNAMTS en particulier, dont le déficit atteint cette année près de 4 milliards d'euros.
Cela étant, cette mesure manque d'ambition. D'une part, elle ne concerne pas toutes les niches sociales, loin s'en faut : les stock-options, les actions gratuites ou encore les « retraites chapeaux » en sont exclues. D'autre part, le taux de contribution est fixé à 2 % seulement, au point que vous reconnaissez vous-mêmes qu'il est « très modéré » – je dirais même homéopathique ! Selon les estimations retenues dans le présent projet de loi, le montant des exemptions d'assiettes atteindra 46 milliards d'euros en 2009 tandis que le forfait social en rapportera 300 millions environ. Vous nous proposez donc de récupérer 0,007 % des exemptions d'assiette !
Voilà pourquoi je proposerai deux amendements à l'article 13 : le premier vise à doubler le taux de contribution pour le porter à 4 %, et le second, adopté en commission, tend à ne pas exclure du forfait social les sommes versées par les employeurs sous forme de stock-options.
La gauche est-elle la seule à proposer ces idées porteuses de solidarité, de générosité et d'efficacité sociales ? Que nenni ! Sur ce sujet, le rapport de la Cour des comptes est éclairant, et les propos de son Premier président bien plus durs que les nôtres. Que dit-il donc ? Le Gouvernement a bien envisagé d'instaurer une cotisation patronale de deux à trois points sur une partie des rémunérations indirectes versées aux salariés, en particulier l'intéressement, la participation et les stock-options, dispositifs exonérés de charges, contrairement aux salaires et aux primes. Cette solution, proposée il y a deux ans, a finalement été abandonnée face aux protestations des organisations patronales et des associations d'épargnants. Pour épingler ces exonérations, M. Séguin a estimé qu'elles « amputent l'assiette des prélèvements sociaux, génèrent plusieurs dizaines de milliards d'euros de pertes pour la sécurité sociale et de fortes inégalités entre salariés ». Son rapport souligne également les fortes distorsions relatives aux stock-options et aux actions gratuites qui, si elles étaient taxées comme les salaires, dégageraient 3 milliards d'euros de cotisations – une estimation fondée sur la valeur actuelle des stock-options distribuées en 2005. Or, « c'est un revenu lié au travail, donc normalement taxable », précise M. Séguin, en ajoutant que la moins-value se décompose ainsi : « pour les cinquante plus gros bénéficiaires de stock-options, le montant moyen de l'exonération atteint 3 millions d'euros ; pour les mille premiers, plus de 500 000 ». Selon lui, en ajoutant l'intéressement, la participation et l'abondement des plans d'épargne d'entreprise, qui ont augmenté de 9 % par an entre 1999 et 2004, la moins-value potentielle pour le régime général « représente une perte conséquente, entre 6 et 8,3 milliards d'euros ».
Ainsi, nous ne faisons pas que ressasser un vieux discours que vous jugez à tort traditionnellement de gauche : écoutez donc le discours moins traditionnel de M. Séguin, Premier président de la Cour des comptes issu de votre propre camp !