Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous ne serez pas surpris de me voir aborder le PLFSS 2008 sous l'angle de la démographie médicale et des zones déficitaires en offres de soins.
La situation est paradoxale : alors que la France n'a jamais compté autant de praticiens en activité, les Français ne sont pas égaux devant l'offre de soins. Je ne reviendrai pas sur les raisons de cette pénurie, que j'avais déjà signalées en 2003 dans mon rapport sur la démographie médicale, rendu au nom du groupe d'études de notre assemblée sur les professions de santé. Depuis cette date, les deux rapports Berland sont venus abonder dans le sens de mes conclusions et le sénateur Juilhard en a fait de même dans l'étude qu'il a rendue la semaine dernière.
Dix-neuf départements, au nombre desquels la Mayenne, ont des secteurs qui comptent moins de 0,5 généraliste pour 1 000 habitants, alors que la densité moyenne nationale est de 1,7, soit l'une des plus importantes de l'OCDE. Ces inégalités territoriales d'accès aux soins risquent fortement de s'aggraver, puisque selon l'Ordre national des médecins, 63 % des étudiants et 60 % des jeunes médecins n'envisagent pas de s'installer en zone rurale, en raison des fortes exigences de présence et de disponibilité. Il est urgent d'enrayer ce phénomène !
Le Gouvernement et le Parlement ont proposé, depuis 2005, de recourir à des mesures financières incitatives destinées à favoriser l'installation ou le maintien des médecins dans les zones déficitaires en offres de soins. Mais il est vrai que ces dispositions – que j'avais, pour la plupart, préconisées dans mon rapport de 2003 – n'ont pas eu l'effet escompté. Si ces mesures ont avant tout péché par un véritable déficit d'information et d'explication envers les principaux intéressés, il est à noter qu'aucun audit d'évaluation n'a été entrepris deux ans après leur entrée en vigueur.
Quoi qu'il en soit, le bon sens et l'urgence de la situation suggèrent d'optimiser les mesures incitatives existantes tout en les combinant à des modes d'organisation innovants. C'est d'ailleurs ce que propose le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale. L'article 31 du PLFSS 2008 souhaite introduire à titre expérimental de nouveaux modes de rémunération, autres que le paiement à l'acte, pour les praticiens volontaires, afin d'aller plus loin dans la modernisation de leurs pratiques et dans le développement de leur rôle de prévention.
Parmi les autres pistes d'expérimentation ouvertes par l'article 31, une plus grande implication des centres de santé, en synergie avec les hôpitaux locaux, pourra être mise en oeuvre. Dans mon département, un projet est déjà à l'étude, soutenu par les médecins libéraux, les professions paramédicales, les pharmaciens et l'hôpital local du Sud-Ouest Mayenne, conformément à l'esprit de la loi que nous sommes appelés à voter. Ainsi, l'article 31, avant même d'avoir été adopté, séduit déjà les praticiens exerçant en milieu rural.
Pour ce qui est des articles 32 et 33, leur rédaction trop juridique et quelque peu indigeste a suscité des polémiques qui en ont dénaturé le sens. Votre intention, madame la ministre de la santé, est en fait de donner la faculté aux médecins et à l'assurance maladie de négocier conventionnellement les critères de définition des zones déficitaires, ainsi que les moyens incitatifs de répartition des médecins sur le territoire. Si je comprends les inquiétudes des internes en médecine qui craignent une remise en question de leur exercice professionnel, je regrette que la désinformation fausse le débat que vous proposez d'ouvrir.
En réalité, pour garantir la liberté d'installation, vous avez pris l'engagement d'exclure du champ de la négociation le principe du non-conventionnement et toute mesure coercitive ; par ailleurs, de mener des états généraux de la démographie médicale, auxquels les représentants des internes et des jeunes médecins seront associés ; enfin, de donner une voix délibérative aux internes et aux jeunes médecins lors des négociations conventionnelles proposées par l'article 33. La disposition qui sera donc soumise à notre examen n'oppose en aucune manière les principes d'égalité devant l'offre de soins et de liberté d'installation des médecins.
Pour conclure, je tiens à saluer l'initiative de Jean-Luc Préel, qui a déposé un amendement – que j'ai cosigné – visant à favoriser la création des maisons médicales de garde et des maisons pluridisciplinaires, en incitant les collectivités à participer à leur financement. Je vous encourage à adopter cette mesure, dont le concept a d'ores et déjà fait ses preuves en Mayenne, puisque ma commune de Vaiges est dotée d'une maison médicale – inaugurée en décembre 2005 par Christian Estrosi – fonctionnant grâce à un financement communal. Il s'agit là d'une mesure incitative supplémentaire, destinée à améliorer les conditions d'exercice des professions médicales et paramédicales en zone rurale.
Convaincu du bien-fondé du projet de loi de financement de la sécurité sociale, je le voterai. Pour autant, il importe que tous les acteurs de la santé acceptent de se mettre autour de la table des négociations, afin que le principe d'égalité des citoyens devant l'offre de soins soit respecté sur l'ensemble du territoire national, sans aucune exception. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)