Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Jean-Yves Le Bouillonnec

Réunion du 30 avril 2009 à 15h00
Suppression du délit de solidarité — Article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Yves Le Bouillonnec :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, si je parle dans ce micro situé en haut des travées, c'est parce qu'il me rappelle des souvenirs et me permet de confondre mes fonctions de député et celles de maire de Cachan. Le 4 octobre 2006, je me suis heurté au ministre de l'intérieur de l'époque – l'actuel Président de la République – à propos de la situation de 400 sans-papiers réfugiés dans un gymnase de ma ville.

Ce jour-là, j'ai puisé dans la fraternité de la gauche le sentiment que l'injustice pouvait être réparée. Elle l'a été : le dénouement du drame de ces personnes a permis de dénouer celui de l'ensemble des sans-papiers. Aujourd'hui, ma plus grande fierté est d'être le maire d'une commune où des centaines d'habitants, de toutes confessions et convictions, ont contribué jour après jour à permettre à quatre cents personnes proscrites, à la rue même, de vivre dans la dignité jusqu'au jour où la République s'est rappelée à la volonté du ministère de l'intérieur et les a enfin prises en charge, comme l'exigeait le respect de la dignité humaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Si je prends la parole dans ce débat, ce n'est ni pour polémiquer, ni pour accuser le ministre, M. Besson, de n'avoir pas, pendant les deux tiers de son intervention, envisagé le contenu réel de la loi. Dans ce débat, aucun d'entre nous n'a évoqué la politique d'immigration et les conditions dans lesquelles la République française la met en oeuvre pour empêcher la circulation irrégulière et les actes délinquants tels que l'aide au passage illicite des frontières. La seule situation que nous avons évoquée est celle des femmes et des hommes de France, étrangers en situation régulière ou citoyens de la République, qui estiment qu'aider un être humain résidant dans la même rue, voire dans le jardin d'en face – car c'est souvent ainsi que se produisent les rencontres – à vivre, à se nourrir, à se soigner, à rester propre ou à éduquer ses enfants, constitue un acte d'humanité fondamental.

Au fond, le problème essentiel tient à l'incertitude du droit. C'est pour cette raison que se produisent aujourd'hui certains faits qui heurtent les bénévoles – qui n'entendent pourtant pas être davantage que des bénévoles de l'action humanitaire. Ce sont ces faits qui mettent en cause les principes fondamentaux de la République.

Nous avons entendu l'intervention du ministre et pris connaissance de ce qu'il a discourtoisement communiqué sur le site du ministère. C'est de droit qu'il faut parler : quels sont les éléments constitutifs du délit ? Les voici : « toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l'entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d'un étranger en France, sera punie d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 30 000 euros ». Voilà, monsieur le ministre, l'article qui construit la prévention ! L'article L. 622-4 ne mentionne pas même les associations. M. le rapporteur – notre collègue et ami, qui a replacé l'enjeu juridique au coeur de notre débat – l'a rappelé avec une grande pertinence : le quatrième alinéa de cet article L. 622-4 ne mentionne que les personnes physiques ou morales, lorsque « l'acte reproché était, face à un danger actuel ou imminent, nécessaire à la sauvegarde » de la personne en situation irrégulière. Or, ce risque « imminent » ne correspond pas à la situation des centaines de personnes qui se trouvent en situation d'insuffisance sanitaire et alimentaire à Sangatte, comme autrefois celles de Cachan, celles de Lyon trois mois plus tard ou celles de Paris six mois plus tard.

Là est tout le problème que nous soulevons : le texte actuel ne règle pas la situation des associations. M. Goldberg l'a dit : c'est le Conseil constitutionnel qui, en mars 2004, a donné une interprétation de la loi de 2003 – je me souviens bien de ce débat – en rappelant que l'action humanitaire n'était naturellement pas concernée par le dispositif. Or, chers collègues, quel fonctionnaire de police se promène avec, sur lui, le texte de l'interprétation par le Conseil constitutionnel de l'article L. 621-1 ? Nous-mêmes ne l'avons pas évoqué depuis le début de ce débat.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion