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Intervention de George Pau-Langevin

Réunion du 30 avril 2009 à 15h00
Suppression du délit de solidarité — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGeorge Pau-Langevin :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd'hui, de manière assez surprenante, pour évoquer un délit qui n'existerait pas, pour tenter de mettre fin à des tentatives d'intimidation, des gardes à vue, des arrestations qui, selon le ministre, seraient imaginaires.

Pourtant, nous sommes allés à Calais et des gens nous ont raconté leur expérience. Ils nous ont expliqué ce qu'ils avaient vécu, et comment ils avaient été empoisonnés parce que leur conception de la morale, du respect élémentaire dû à tout être humain, ne leur permettait pas de laisser dans la détresse, dans la rue, de laisser errer dans le froid et ayant faim des hommes jeunes qui arrivent chez nous parce que, dans leur pays, il y a des guerres et des famines, et qui sont quasiment mandatés par leurs proches pour essayer de trouver une issue pour toute une famille, toute une région.

Nous avons vu aussi en région parisienne, et cette journée permet de leur rendre hommage, de nombreux membres d'associations qui, au jour le jour, courageusement, décident de se mettre en travers de décisions qui leur semblent inhumaines. C'est avec beaucoup d'émotion que j'ai assisté à diverses reprises à des réunions d'associations antiracistes ou du réseau RESF. Certains décident de se battre contre des décisions de renvoi concernant des enfants, qui sont, selon eux, indignes d'une société développée comme la nôtre.

Je comprends la position de certains élus, comme notre collègue de Mayotte qui nous explique qu'il faut faire attention aux signaux que l'on peut donner et ne pas encourager l'immigration irrégulière. Je suis allée à Mayotte, j'ai visité le centre de rétention, qui est d'ailleurs indigne de la République. Les gens avec qui nous nous sommes entretenus n'avaient jamais entendu parler de Calais et ce qui se passe là-bas n'est vraiment pas de nature à les dissuader d'aller dans une île voisine, où habitent des amis ou de la famille. Cela n'a donc rien à voir. Ce n'est pas en empoisonnant les migrants qui sont à Calais que vous allez régler la question de Mayotte, c'est un autre problème infiniment plus compliqué.

Pourquoi en sommes-nous arrivés là ?

Comme vous le rappeliez dans votre ouvrage, que nous consultons avec beaucoup d'intérêt, L'inquiétante rupture de Nicolas Sarkozy, si nous sommes dans cette situation, c'est parce que Nicolas Sarkozy, en abrogeant la régularisation de plein droit après dix années de présence en France et en restreignant les principaux dispositifs de régularisation au fil de l'eau, a créé, année après année, des sans-papiers qui se trouvent dans une situation inextricable et bouleversante sur le plan humain. Vous l'avez dit, je suis d'accord avec vous.

Vous avez aussi évoqué la fermeture du centre de Sangatte. Évidemment, nul ici n'en demande la réouverture mais nous fustigeons la vantardise du ministre de l'intérieur de l'époque, qui déclarait que, trois à quatre semaines après, on ne parlerait plus des réfugiés de Calais.

Vous l'aviez signalé en 2007, le fait de fermer Sangatte n'a pas fait disparaître les migrants en quête d'une nouvelle vie en Grande-Bretagne. Vous étiez indigné de voir que, deux après, les migrants continuaient à errer dans les rues de Calais dans des conditions exécrables et qu'en l'absence de douches, la gale avait refait son apparition.

Je suis allée à Coquelles il n'y a pas si longtemps avec la mission d'information parlementaire sur les centres de rétention. C'est au centre de rétention que l'on soigne la gale des migrants et qu'on les requinque un peu avant de les remettre en liberté. Comme vous le savez, en effet, la plupart d'entre eux sont inexpulsables, et le fait de ne pas les autoriser à demander l'asile et à être régularisés ne suffit pas à vous permettre de les renvoyer dans leur pays parce que l'Europe vous dirait que vous les exposez à des traitements inhumains et dégradants.

La situation est donc insoluble, effectivement, mais, au lieu de s'en prendre à des associatifs qui, par leur geste d'humanité, font honneur à notre pays, on ferait mieux de prévoir des dispositifs minimaux permettant de sauvegarder la dignité de tous les sans-domicile qui hantent ces communes.

Vous prétendez ne pas être au courant des condamnations qui ont été prononcées. Le GISTI en a fait une liste. Si vous ne croyez pas ce qu'il dit, je vous invite à vous reporter à un ouvrage sérieux, le Dictionnaire permanent du droit des étrangers, qui énumère un certain nombre de condamnations visant des personnes ayant hébergé, pour des raisons humanitaires, des étrangers en situation irrégulière.

Effectivement, les magistrats, qui nous font souvent honneur, ont refusé de prononcer des condamnations, mais les gens ont été poursuivis, mis en garde à vue, et ont passé des moments extrêmement difficiles. On veut ainsi les intimider, nous le savons bien.

Ce que nous vous demandons aujourd'hui, c'est que ce délit de solidarité, inadmissible, soit aboli, mais aussi que vous essayiez de régler le problème avec vos collègues européens. Nous savons très bien que la solution, c'est la révision du règlement Dublin. C'est la tâche que vous avez à remplir. Pensez aussi aux personnels qui souffrent d'être employés à des tâches totalement inefficaces.

Nous vous demandons donc de trouver les moyens de lutter contre les effets regrettables de cet article du CESEDA. Sinon, la réglementation ne sera pas respectée et l'insurrection pacifique des citoyens ordinaires à laquelle nous assistons continuera. L'article L. 622-1 n'est qu'un sabre de bois juste bon à inquiéter les personnes de bonne volonté mais heureusement pas à les dissuader d'exercer leur devoir d'humanité. Il est donc temps de mettre un terme à cette situation inacceptable. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

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