À peine un peu plus de deux ans plus tard, la même majorité parlementaire revient sur un texte qu'elle avait adopté après moult examens et discussions. C'est sans doute ainsi que l'on veut illustrer l'idée de « légiférer moins, pour légiférer mieux ». Plus que jamais, je me permets de douter de l'efficacité d'une telle démarche, avec d'autant plus de réserves que j'avais participé, avec un grand intérêt, aux travaux de la mission d'information constituée en 2004 et que je constate que l'esprit du projet de loi revient très loin en arrière puisque l'on préfère la facilité de la communication, en privilégiant des idées dans l'air du temps, qui ne supportent pas l'examen de la réalité et qui s'opposent, par certains aspects, à des droits fondamentaux.
Est-ce un hasard si, madame la ministre, vous avez été, avant d'être garde des sceaux, responsable de la communication du candidat à la Présidence de la République ? Pourtant, les travaux de ladite mission d'information avaient fait apparaître le caractère dommageable de ce genre de posture et, depuis, aucun autre travail sérieux n'a été entrepris pour démentir les conclusions adoptées, il faut le souligner, sans opposition de la part du groupe socialiste.
Aujourd'hui, sans études complémentaires et au mépris de ce qui a été déjà étudié, le projet de loi ne table, au fond, que sur une seule chose : l'espoir fondé sur le renforcement de la peur du juge et le retour de la croyance immodérée en l'efficacité de la peine de prison. Cette réponse limitée à la répression est bien mince quand on sait que 31 % des personnes condamnées le sont de nouveau alors que le niveau des peines encourues et celui de celles effectivement prononcées n'ont cessé d'augmenter au cours de ces dernières années.
La réponse que vous apportez est d'autant plus dérisoire que la mission avait démontré très clairement que l'arsenal juridique existe, destiné précisément à lutter contre la récidive, et que le problème se pose principalement en termes d'exécution des peines et donc des moyens octroyés à la justice.
Rappelons qu'une des fonctions essentielles de l'administration pénitentiaire est de préparer les détenus à réintégrer la société à leur libération. On oublie en effet trop aisément que tout prisonnier est voué à retrouver un jour la liberté. La prison doit l'y préparer – ce qu'elle ne fait pas, en général. Aussi favorise-t-elle la récidive ou la réitération au lieu de préparer la réinsertion profitable à tous.
Le suivi socio-judiciaire, par exemple, ou le sursis avec mise à l'épreuve mis en place par l'ancienne garde des sceaux, Élisabeth Guigou, qui suscitent l'adhésion des juges et des médecins, sont des outils puissants qui ne demandent qu'à être consolidés. Appliquons déjà les lois existantes au lieu de donner dans une surenchère législative dont on peut douter de l'efficacité.
Au lieu de cela, le projet n'est qu'un simple affichage ; il renforce l'emprisonnement, la prison étant de plus en plus conçue non comme un lieu de peine et de réinsertion, mais comme un lieu de relégation. La situation dans nos établissements pénitenciers, comme l'a montré le rapport de Jean-Luc Warsmann, aujourd'hui président de la commission des lois, s'est dégradée en matière de surpopulation et donc de conditions d'existence des détenus, mais aussi de conditions de vie des personnels pénitentiaires qui jouent un rôle essentiel, mais difficile, et auxquels nous devons rendre hommage.
À propos de la population carcérale, nous devons également examiner les questions soulevées par la mission d'information ; celle, notamment, de ces prisonniers qui cumulent les difficultés sociales, psychiques, éducatives. Rappelons-nous par ailleurs que des missions de plus en plus lourdes sont confiées à des services d'insertion et de probation dans une situation dramatiquement famélique, alors que chacun reconnaît leur rôle essentiel en matière de réinsertion sociale, facteur essentiel pour éviter la récidive.
Inefficace pour lutter contre la récidive, ce texte prête également le flanc à la censure constitutionnelle,…