Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'insécurité reste avec le chômage l'une des préoccupations majeures de nos concitoyens.
Malgré le coup d'arrêt donné à la délinquance, le bilan des cinq dernières années a malheureusement démontré que la modernisation et l'amélioration des actions de la police et de la gendarmerie ne suffisaient pas si elles ne s'accompagnaient pas d'une réforme en profondeur de notre justice. La faiblesse de notre État régalien, malgré les réformes entreprises entre 2002 et 2007, s'explique, nous le savons tous, par la décrépitude de notre institution judiciaire. Élu de l'Essonne, département tant négligé par votre ministère, je pourrais témoigner de situations aussi abracadabrantes que scandaleuses, madame la ministre. Mais je vous recommande plutôt la lecture du rapport édifiant que le président de notre commission des lois, M. Warsmann, a publié sur le fonctionnement du tribunal d'Évry. Il est vital pour la paix civile dans notre pays de reconstruire l'institution judiciaire. Et nous nous accordons tous sur cet objectif.
Dans ces conditions, votre projet de loi, madame la ministre, ne peut être qu'une étape, j'allais dire un symbole, tant il est nécessaire d'aller plus loin dans les prochains mois. Bien sûr, je le voterai car il représente un premier pas contre cette culture de l'excuse permanente qui, au fil du temps, a décrédibilisé notre État de droit. Mais, soyons francs, il n'est en rien synonyme du « tout répressif », contrairement à ce qu'en dit la gauche. Nous sommes loin de la proposition de loi Estrosi, que bon nombre d'entre nous avait signée : il n'y a pas de peines plancher automatiques, les peines minimales possibles sont faibles, enfin, l'atténuation de l'excuse de minorité est très encadrée.
Mais si ce texte pouvait faire comprendre aux magistrats qu'il n'y a pas de prévention sans sanction et surtout que l'on ne peut plus, comme c'est encore le cas, laisser en liberté en toute impunité tant de délinquants, nous aurons collectivement fait un premier pas. Si la gauche a tort de crier contre un projet si modéré, la majorité devrait faire attention à ne pas croire que ces dispositions permettront de vaincre la récidive. Nous savons tous sur ces bancs – et les Français aussi, croyez-moi – que rien ne pourra se faire sans une série de réformes en profondeur. C'est la condition pour éviter que votre projet de loi ne reste un simple symbole de votre sincère volonté de lutter contre la récidive et qu'il n'aboutisse à un feu de paille et une immense déception parmi nos concitoyens.
Nous ne pourrons pas éluder la question des moyens financiers. Nous savons tous qu'il faudrait doubler le budget de votre ministère pour atteindre le niveau par habitant de l'Allemagne ou de l'Angleterre. Nous aurions dû le faire entre 2002 et 2007. La gauche ne l'a pas fait avant 2002. En aurons-nous les moyens demain ? Quelles sont les prévisions budgétaires pour les prochaines années ? Voilà la question clef, car sans greffiers et magistrats supplémentaires, pas de raccourcissement de délai. Or, aujourd'hui, il faut attendre environ un an –parfois davantage – avant qu'une affaire soit traitée. Agir sur les causes de la récidive, cela signifie bien évidemment accélérer le fonctionnement de la justice. Je vous invite à cet égard, madame la ministre, à parcourir les couloirs du tribunal d'Évry où s'entassent du sol au plafond des dossiers non traités et où les décisions de justice ne sont pas exécutées faute de greffiers pour les retranscrire.
Deuxième question : l'exécution des décisions de justice. Y a-t-il un autre pays occidental où le nombre de peines non appliquées est aussi élevé qu'en France ? Je ne le crois pas. Je me réjouis à cet égard de la décision du président Warsmann de s'efforcer de suivre l'exécution des décisions de justice tribunal par tribunal afin que l'on sache où la justice est appliquée dans notre pays et où elle ne l'est pas. Il faudrait revoir les inégalités considérables entre les tribunaux et veiller à ce que ceux qui se trouvent dans des juridictions où il y a le plus de faits de délinquance soient enfin équipés correctement.
La troisième question, majeure, concerne les prisons. Vous nous avez promis une loi pénitentiaire, loi que promet chaque nouveau gouvernement, quelle que soit sa couleur politique. Quand cessera-t-on dans notre pays de répéter que la prison ne sert à rien ? Si la prison ne sert à rien, à quoi servons-nous donc et à quoi servent les décisions de justice ? Bien évidemment, il ne s'agit pas de dire que la prison est la solution à tout. En revanche, il ne vous aura pas échappé que nous avons besoin de 20 000 à 30 000 places supplémentaires, dans les établissements pénitentiaires mais aussi dans des maisons d'éducation fermées pour mineurs.
Par ailleurs, comment parler de récidive sans parler de réinsertion et des moyens mis en oeuvre pour éviter aux primo-délinquants de sombrer dans la récidive ?
Enfin, il y a une dernière chose qu'il faudra un jour évoquer dans cet hémicycle, c'est la question de la drogue – ses trafics, l'argent issu de ses trafics, ses circuits financiers de blanchiment, les pays qui la produisent et dont certains sont nos amis –, question qui est au coeur du malaise de la justice et de notre société. J'aimerais que l'on pose cette question centrale de la drogue car, comment vouloir parler de la récidive, de la délinquance, de la sécurité et du mieux-être de nos cités, tant qu'on ne l'aborde pas.