Est-il nécessaire de rappeler que les peines minimales existaient déjà dans l'ancien code pénal, que le juge pouvait les écarter par l'application des circonstances atténuantes et que les peines minimales sont connues dans de nombreux États, comme les États-unis, le Canada, la Grande-Bretagne et, dans une moindre mesure, l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie ?
À l'évidence, votre projet, n'en déplaise à quelques beaux esprits, est équilibré et respectueux du principe constitutionnel de l'individualisation de la peine.
Il est équilibré car il comporte une graduation suivant la gravité de l'infraction et le nombre de récidives. Pour tenir compte de la gravité de l'infraction, le texte prévoit en effet, en matière criminelle comme en matière correctionnelle, des peines échelonnées en fonction de la peine encourue. C'est une graduation logique et, nous le pensons, dissuasive.
De plus, le projet de loi tient compte du nombre de récidives pour autoriser le juge à descendre au-dessous du seuil minimum. Lorsqu'il s'agit d'une première récidive, le juge pourra s'affranchir du minimum de la peine en raison des circonstances de l'infraction, de la personnalité de l'auteur et de ses garanties d'insertion ou de réinsertion.
En revanche, lorsqu'il s'agit d'une deuxième récidive, qui signe davantage l'ancrage dans la voie de la délinquance, puisqu'il s'agit d'un troisième fait qui ne tient pas compte des deux premiers avertissements, le juge ne pourra descendre en dessous du seuil minimal que lorsque le prévenu présente « des garanties exceptionnelles d'insertion ou de réinsertion. »
Mais, pour cela, il faudra que le juge motive sa décision de manière argumentée, sans se contenter d'attendus de style qui videraient de sa substance l'esprit de notre loi. Il est du devoir, voire de la responsabilité, du juge de motiver sa décision pour infliger des peines inférieures à celles édictées par le législateur, seul détenteur – faut-il le rappeler – de la volonté générale qui s'est largement exprimée lors des dernières élections, présidentielle et législatives.
Et si, par extraordinaire – ce que je ne veux pas croire – les juridictions correctionnelles, ici ou là, n'appliquaient pas la loi dans toute sa rigueur, il vous appartiendrait, madame la garde des sceaux, d'une manière générale par voie de circulaire ou, le cas échéant, d'une manière particulière par voie d'instruction individuelle, de faire relever appel des décisions non conformes au texte, à l'esprit de la loi et aux cas soumis aux magistrats.