Certaines mesures du projet de loi heurtent un second principe constitutionnel. Le niveau trop élevé des « peines plancher » prévues à l'article 2 pourrait en effet aboutir à des condamnations incohérentes. Philippe Chaillou, président de la chambre des mineurs de la cour d'appel de Paris, a ainsi démontré que le système de sanctions mis en place pourrait conduire les juges à réprimer beaucoup plus sévèrement un vol commis en troisième infraction qu'un meurtre commis en première infraction. Le projet de loi remet donc en cause le principe de la proportionnalité des peines, affirmé dans l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Selon nous, ces motifs d'inconstitutionnalité justifient à eux seuls le rejet du texte, mais d'autres défauts, tout aussi graves, concourent également à son abandon.
Selon les déclarations de la chancellerie, le présent projet de loi aurait la vertu de dissuader les récidivistes de commettre de nouvelles infractions. L'instauration de « peines plancher » aurait pour effet d'intimider les délinquants en rendant leur punition certaine. Lors du débat au Sénat, vous avez vous-même expliqué, madame la garde des sceaux, que « les peines minimales sont indispensables pour que le travail de prévention puisse s'appuyer sur la menace d'une sanction claire et précise ».
Je vous le dis tout net, mes chers collègues, c'est là tout l'enjeu du problème. Notre débat n'oppose pas les laxistes et les répressifs, les anti- et les pro- carcéral. Tous ceux qui sont d'abord soucieux d'être efficaces savent qu'il faut à la fois prévenir et punir, comprendre et rappeler la règle et que, dans de nombreux cas, la prison est effectivement la seule solution. Je rejoins ainsi Didier Peyrat, vice-procureur de la République au TGI de Pontoise, lorsqu'il déclare que « certains faits, très graves, justifient [la prison] même si nous sommes en présence de mineurs ».
Mais qu'ils soient magistrats, éducateurs, avocats – et je salue le bâtonnier Franck Natali, que vous connaissez bien, madame la ministre, et qui est présent dans les tribunes du public –, psychologues ou criminologues, tous affirment que les « peines plancher » n'auront aucun effet positif en matière de lutte contre la récidive.