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Intervention de Jean-Paul Lecoq

Réunion du 11 février 2009 à 21h30
Réforme de l'hôpital — Article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Lecoq :

En redéfinissant les établissements de santé et les missions de service public qu'ils peuvent remplir, cet article vise à permettre aux établissements privés de participer à certaines missions de service public, cinquante ans après les ordonnances Debré de 1958. Cette disposition rompt radicalement avec la notion de service public hospitalier à la française et vient parachever un processus engagé depuis une quinzaine d'années.

D'après un rapport récemment publié par la banque Dexia, entre 1995 et 2005, 62 % des hôpitaux publics français ont subi des recompositions diverses, et un tiers ont disparu. Ces recompositions hospitalières qui, selon ce rapport, ne répondent à aucune vision d'ensemble de l'aménagement du territoire au niveau national, ont avant tout bénéficié au secteur privé en lui permettant de réaliser aujourd'hui 66 % de l'activité chirurgicale. C'était l'inverse il y a encore vingt ans. Cela aboutit, dans certaines régions, à d'inquiétantes situations de monopole. À Carpentras ou à Châteaubriant, par exemple, toute la chirurgie est réalisée par le secteur commercial. À Nevers, les deux urologues qui exerçaient à l'hôpital sont partis dans le privé et toute la chirurgie urologique est maintenant réalisée par les cliniques.

Outre qu'elle porte atteinte au libre choix des patients et à l'accès aux soins, cette situation est dangereuse. En effet, les actionnaires italiens, britanniques ou américains de la Générale de santé, de Vitalia, de Médi-partenaires ou de Capio exigent des taux de rentabilité importants et pourraient être amenés à fermer des établissements qu'ils jugeraient insuffisamment rentables au regard des critères boursiers, lesquels n'ont pas grand-chose à voir avec la santé publique. Permettez-moi de m'interroger sur ces taux de rentabilité exigés et sur les bénéfices engrangés par certaines cliniques privées, bénéfices payés par la collectivité alors même que l'assurance maladie est déficitaire.

On aurait pu attendre du Gouvernement qu'il prenne les mesures nécessaires pour favoriser une reconquête du territoire par les hôpitaux publics, en arrêtant la fermeture des hôpitaux et des maternités de proximité et en prenant des mesures permettant de les rendre plus attractifs pour les médecins. Hélas, il n'en est rien. Le projet de loi non seulement prend acte de cette prépondérance des cliniques privées, sans tenter de la corriger, mais avance même des mesures qui aggraveront cette situation.

Ainsi en est-il de cette disposition permettant aux établissements privés de remplir des missions de service public, notamment lorsqu'il n'y a plus d'hôpitaux publics. C'est le comble : vous fermez partout les établissements de soins publics et vous confiez au privé, sous prétexte qu'il n'y a plus d'établissement public pour les remplir, des missions de service public complètement contraires à leur vocation.

Cette disposition est sous-tendue par l'idée que les cliniques seraient mieux gérées que les hôpitaux publics, idée fausse à plus d'un titre, comme cela a été démontré par plusieurs de mes collègues. Tout d'abord, les hôpitaux publics ne sont pas les gouffres financiers que certains décrivent ; depuis des années, ils font d'énormes efforts de gestion, à tel point que la part des dépenses d'assurance maladie qui leur est consacrée n'a fait que baisser depuis vingt ans. C'est en ville et dans les cliniques privées qu'a lieu la dérive des dépenses, comme le signale la Cour des comptes. Pourtant, les hôpitaux publics n'ont pas le même périmètre d'activité ni les mêmes coûts de revient, ils n'ont pas non plus les mêmes contraintes de qualification et de sécurité ni les mêmes obligations de service public.

Mais surtout, ils ne sont pas animés du même esprit, de la même conception que les établissements à but lucratif. C'est à cette conception que sont par-dessus tout attachés les praticiens hospitaliers que nous avons rencontrés. C'est cette conception de l'intérêt général que nous voulons préserver et développer. C'est la raison pour laquelle nous nous opposons au contenu de cet article.

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