La carte géographique des déserts médicaux s'étend. Elle recoupe d'ailleurs celle des fermetures d'hôpitaux et autres services publics, tels que la poste ou l'éducation.
En effet, aucun médecin ne peut s'installer et travailler correctement dans de telles situations. Face à tout cela, que nous propose votre texte ? En ce qui concerne la santé publique et la prévention, objet du titre III, l'indigence des propositions le dispute à la provocation. Les mesures avancées en la matière se résument à l'interdiction des cigarettes-bonbons, assortie de quelques dispositions – au demeurant intéressantes – pour lutter contre l'alcoolisme, notamment chez les jeunes.
De ce point de vue, il est fort regrettable qu'au moment où vous nous demandez de nous prononcer sur ces propositions visant à lutter contre l'alcoolisme des jeunes, vous envisagiez, madame la ministre, d'autoriser la publicité pour les boissons alcoolisées sur Internet. De même, vous n'avez pas su tenir tête aux industriels de l'agroalimentaire. Où sont donc passées les mesures promises il y a tout juste un an pour limiter la publicité alimentaire à la télévision ? Pourquoi ne figurent-elles pas dans cette loi ?
Au-delà de tout ce qui, dans ce texte, nous heurte et dont nous allons parler, beaucoup de silences nous interpellent. Ainsi, sans même évoquer les conséquences des pollutions environnementales sur la santé, qui devraient être traitées lors du Grenelle II, quelle est cette grande politique de prévention qui ne traite ni de la santé au travail – alors que l'on compte, chaque année, près d'un million et demi d'accidents du travail – ni de la santé scolaire – alors qu'il n'y a qu'un médecin scolaire pour 8 400 élèves et que le nombre d'IVG ne diminue pas malgré les moyens contraceptifs modernes ?
À aucun moment, ce projet de loi ne traite de la promotion de la santé, des mesures à prendre contre les fléaux liés aux inégalités sociales, au logement insalubre ou à l'alimentation. Il n'y a rien non plus sur la santé mentale.
En ce qui concerne l'accès aux soins, le moins que l'on puisse dire est que le texte est extrêmement timide sur ce point. Certes, vous avancez quelques mesures un peu plus pénalisantes à l'égard des médecins qui osent refuser ostensiblement des soins, de préférence aux plus modestes, ce qui ne les honore pas. Mais vous laissez filer les dépassements d'honoraires dont nous connaissons tous les effets pervers pour les patients, bien sûr, mais aussi pour la profession et pour l'immense majorité des médecins qui placent l'éthique au coeur de leur pratique. Pourquoi ne pas décider de plafonner ces dépassements à un certain niveau par rapport au tarif remboursable ? Nous soumettrons au débat un amendement en ce sens.
Quant à la permanence des soins, dont tout le monde parle, mais pour laquelle aucune mesure courageuse n'est avancée, je veux dire ici clairement ce que nous en pensons. Je tiens d'abord à souligner les conséquences désastreuses de la suppression, en 2003, de l'obligation de participer à la permanence des soins. C'est un bel exemple – parmi d'autres – de la responsabilité que vous portez dans la désorganisation actuelle de notre système de santé. Pour un médecin, assurer la continuité des soins fait partie de son engagement professionnel, de l'éthique et des exigences liées à la profession qu'il a choisie en conscience.