Je souhaite saisir l'occasion de la discussion sur l'article 9 pour revenir sur la question du mode de scrutin sénatorial et sur les missions qu'il convient, à nos yeux, de confier à la Haute assemblée.
Le projet de loi constitutionnelle répond, dites-vous, à « la volonté de bâtir une démocratie plus équilibrée ». Pourquoi, dès lors, avoir exclu le Sénat du chantier de votre réforme ? Il y a pourtant, pour paraphraser Jaurès, un intérêt capital à ce que cette institution soit en harmonie avec la démocratie. Or tel n'est pas aujourd'hui le cas, c'est un euphémisme que de le souligner. La majorité sénatoriale le reconnaît elle-même lorsqu'elle admet – certes du bout des lèvres – la nécessité d'une « autoréforme » – est-ce possible, d'ailleurs ? – visant en particulier le mode de scrutin.
Ce mode de scrutin est encore excessivement marqué par la surreprésentation des zones rurales sur les zones urbaines, en méconnaissance des évolutions intervenues ces dernières décennies et des réalités démographiques actuelles. Nous le savons, si le statu quo est maintenu, c'est parce que le Gouvernement et la majorité actuelle entendent conserver un bastion historique et y interdire toute alternance politique.
M. Chartier nous invitait, dans la discussion générale, à nous montrer digne de notre République. Mais précisément, est-il digne de refuser toute réelle démocratisation du mode d'élection des sénateurs pour des motifs étrangers à l'intérêt général ?
Par-delà l'exigence d'une démocratisation du processus législatif qu'emporterait la refonte du scrutin sénatorial, la question se pose du rôle joué par le Sénat. Celui-ci n'a pas seulement vocation, pensons-nous, à demeurer l'assemblée représentative des collectivités locales, mais aussi – pourquoi pas ? – à devenir la chambre de l'initiative législative et de la participation citoyenne. Saisi en priorité des initiatives d'ordre législatif des collectivités locales ou de nos concitoyens, il jouerait ainsi un rôle beaucoup plus important que celui, purement instrumental, que lui confèrent actuellement nos institutions.
Il conviendrait donc de réunir rapidement un groupe de travail mixte – Assemblée nationale, Sénat – pour redéfinir les missions et le mode d'élection des sénateurs et poser aussi la question de l'abrogation de leur droit de veto totalement suranné sur les textes de loi organique et de révision de la Constitution.