Je pense à des propos du général de Gaulle rapportée par Alain Peyrefitte : « Le ministre-maire est juge et partie ; il confond les genres. Le cumul des fonctions a quelque chose de contraire à la bonne marche des institutions et même, disons le mot, d'immoral. » Pourquoi alors, me direz-vous, le général de Gaulle n'avait-il pas interdit le cumul de la fonction ministérielle avec un mandat local ? En 1958, mis à part les fonctions au sein de l'exécutif, seul comptait le mandat de parlementaire. Le mandat d'élu local n'intéressait alors pas beaucoup le général de Gaulle. Aujourd'hui, la décentralisation est passée par là, et la situation a changé. Les élus locaux ont de grandes responsabilités qui valent bien celles d'un parlementaire.
S'il est adopté, ce projet de loi constitutionnelle renforcera encore l'incompatibilité entre fonctions ministérielles et exercice d'un mandat local. En effet, si les projets de loi discutés dans l'hémicycle sont désormais ceux adoptés en commission, le ministre devra être davantage présent en commission pour défendre son texte. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, permettez-moi de vous dire qu'il est très vraisemblable qu'en commission les députés n'accepteront pas que le ministre lise les notes transmises par ses collaborateurs – quelle que soit la qualité de ces notes ! Il faudra donc bien que le ministre s'investisse directement et réponde aux députés : la séance de travail en commission ne ressemble pas à la séance publique dans l'hémicycle. Si cette révision constitutionnelle est adoptée, les ministres devront travailler leurs projets de loi et les étudier dans le détail pour les défendre directement devant les parlementaires, et ce sans l'intervention de leurs collaborateurs. Ils se retrouveront alors, d'une certaine manière, à armes égales avec nous !
Il sera donc souhaitable que les membres du Gouvernement puissent consacrer davantage de temps à leur mission. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé ces amendements, dont certains sont des amendements de repli, qui interdisent le cumul d'un mandat local, en particulier des mandats exécutifs, avec la fonction ministérielle.