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Intervention de François de Rugy

Réunion du 20 janvier 2009 à 9h30
Réduire l'empreinte écologique de la france — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois de Rugy :

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, les Verts ont élaboré le présent texte dans la continuité du Grenelle de l'environnement. Comme je l'avais indiqué lors du vote du projet de loi de programme, celui-ci n'est qu'un point d'appui pour faire mieux. Je déplore d'ailleurs au passage que la procédure parlementaire soit si longue : le premier texte devait être suivi d'un second ; mais l'on peut être inquiet à ce sujet, alors que le Gouvernement, en d'autres domaines, fait souvent preuve de célérité, pour ne pas dire de précipitation. J'espère d'autre part, monsieur le ministre d'État, que votre collègue en charge du plan de relance vous a transmis notre souhait de voir ce plan inscrit dans la logique du Grenelle.

J'en reviens au texte de ce matin, qui, dans notre esprit, vise à donner un indicateur de l'efficacité des mesures préconisées par le Grenelle ; en l'occurrence, l'empreinte écologique nous paraît être à ce jour l'indicateur le plus complet. Nous estimons en effet que l'évaluation de nos politiques publiques est une condition nécessaire du changement – sur lequel nous sommes apparemment tous d'accord, même s'il nous arrive d'en douter –, comme elle l'est d'ailleurs pour les entreprises ou d'autres types d'action collective. Cette condition est nécessaire au-delà de la simple affirmation d'objectifs, laquelle était l'objet de la loi dite Grenelle 1, ou même de leur mise en oeuvre, qui sera l'objet du texte dit Grenelle 2.

Faute d'évaluation, les dispositions risquent d'être sans effet ; nous y insistons d'autant plus que la cohérence de l'action de l'État pose problème, ce qui peut aussi être vrai à l'échelle des collectivités. Aux intentions louables du Grenelle 1 succèdent ainsi, dans le plan de relance et dès avant, des mesures politiques lourdes de conséquences et qui le contredisent. Dans ce contexte, un bon indicateur de l'empreinte écologique serait le meilleur juge de la pertinence des mesures prises en matière de transports ou d'infrastructures, tous domaines dans lesquels l'État français a, hélas, souvent la main lourde.

Le droit de l'environnement est une discipline dorénavant reconnue et autonome, faisant l'objet de cours et de diplômes universitaires. Il est articulé autour de grands principes : celui de précaution ou celui du pollueur-payeur, par exemple. La matière est nouvelle ; il faut donc inventer, alimenter le mouvement. L'empreinte écologique y contribuerait. Il serait donc intéressant que la loi reconnaisse la valeur de cet indicateur, qui pourrait ainsi être producteur de droit.

D'autre part, l'empreinte écologique va plus loin que le simple bilan carbone, qui semble aujourd'hui l'alpha et l'oméga de vos politiques. Elle correspond à une approche globale de l'impact environnemental des activités humaines, sur l'eau, sur la biodiversité ou sur les sols.

Nous déclinons ce concept, qui peut paraître un peu théorique, dans un certain nombre de mesures concrètes, aux articles 3, 4 et 5. La liste n'en est cependant pas limitative et nous ne considérons pas que les enjeux de l'empreinte écologique se limitent à la restauration collective ou aux véhicules utilisés par les collectivités locales. Il ne s'agit que d'exemples.

Nous avons notamment souhaité que le concept se décline à l'échelle des régions. Certains, en commission, ont critiqué cette idée pour son prétendu manque de pertinence. Pourtant, la démarche rappelle celle des plans de déplacement urbain, instaurés par la loi sur l'air de 1996, ou celle des plans climat territoriaux inscrits dans le Grenelle de l'environnement, qui visent à décliner une politique et ses indicateurs de mesure à l'échelle d'un territoire et qui sont déjà mis en oeuvre par certaines collectivités, bien qu'ils n'aient, hélas, pas été rendus obligatoires. Cela paraît très important pour mobiliser les acteurs et pour mesurer et valoriser les changements réalisés.

Prenons l'exemple de l'agriculture. Je suis député de Loire-Atlantique, dans une région, la Bretagne, qui a été très affectée, ces dernières années, par des pollutions agricoles. Il ne s'agit pas de montrer du doigt les agriculteurs, mais, au contraire, dans un premier temps, d'utiliser l'indicateur de l'empreinte écologique comme un levier de mobilisation des acteurs politiques, économiques ou citoyens, puis comme un outil de valorisation des changements qu'ils auront décidés. Car nous croyons à la possibilité d'un changement rapide grâce à une mobilisation générale, et à ses effets bénéfiques, au-delà du simple intérêt économique, qui est d'ailleurs souvent bien réel.

Autre exemple concret : la restauration collective quelle qu'elle soit – cantines scolaires, hôpitaux ou, pourquoi pas, monsieur le ministre, ministères. Nous proposons que, d'ici à 2015 – car nous sommes bien conscients que cela ne peut se faire du jour au lendemain –, elle soit approvisionnée à 50 % en produits issus de l'agriculture biologique et à 50 % en produits locaux saisonniers. Certains, en commission, ont estimé que c'était impossible. Il serait inquiétant que l'une des principales puissances agricoles d'Europe soit incapable de relever ce défi en six ans, mais, hier encore, l'un des responsables de l'agriculture biologique dans ma région me confirmait que la filière se structure, qu'elle est en plein développement, et que les agriculteurs trouvent un intérêt économique immédiat dans la conversion de leurs cultures, sous forme d'un revenu plus important et plus stable que dans l'agriculture traditionnelle.

Cependant la démarche doit être globale et il n'est pas question de se focaliser sur le label « Agriculture biologique » : on connaît les effets pervers, en matière de bilan carbone, des importations de produits alimentaires de contrées lointaines. D'où notre demande d'un approvisionnement en produits locaux saisonniers. Que la chose soit impossible serait très inquiétant, mais nous sommes convaincus, au contraire, que nos agriculteurs sont prêts à relever le défi.

Dernier exemple : les véhicules achetés par les collectivités constituent des parcs très importants – des dizaines de milliers de véhicules pour l'État, des centaines de milliers pour les collectivités locales. Tous ces véhicules ont un impact direct en matière d'émissions de gaz à effet de serre. Nous avons proposé de fixer un seuil maximal de 120 grammes d'émission de CO2 par kilomètre pour tout véhicule acheté à partir de 2010. Cette mesure très pragmatique permettra un renouvellement progressif du parc et ne demande aucunement que, dès l'année prochaine, tous les véhicules ne respectant pas cette norme soient interdits de circulation. Il s'agit de contribuer concrètement à la lutte contre l'effet de serre et contre la pollution de l'air, et de démontrer que, en faisant de l'écologie, on fait aussi des économies. Nombre de nos concitoyens croient que l'écologie coûte plus cher : c'est une idée fausse. En l'occurrence, acheter de plus petits véhicules coûte moins cher.

Je vous invite donc, mes chers collègues, à voter unanimement cette proposition de loi. À quoi bon remettre son adoption à plus tard ? À quoi sert, monsieur Ollier, de saluer les bonnes idées si c'est pour les rejeter ensuite ?

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